Les "Lettres de Pierre" Extraits tome 3

 

     

 

 

                                                                                             17 juin 1920        

         Ma chérie…, ma chérie Maman,

     Je suis heureux de vous suivre dans vos efforts si tendres qui cherchent à répandre mon message devant les cœurs douloureux des hommes. Quand nous aurons vu le résultat de notre tentative d’obéissance à la volonté de Dieu, nous attendrons la décision de mes guides.
     Ne crains pas pour cela, ma petite Maman bien-aimée !... nous avons ressaisi l’intimité de nos âmes, elle doit être éternelle ! Papa, Maman…vous avez retrouvé votre Pierre vivant, vivant !... plus consciemment aimant que lorsqu’il était aveuglé par la chair !! Mais il se pourra que nos entretiens soient sans valeur pour d’autres que pour nous, comme il en était dans notre paisible vie de famille. N’en aie pas de chagrin. Maman mienne… selon l’indication de ceux qui me conseillent et qui sont mes maîtres, je te dirai ce qu’il sera bon de répandre.
     Maintenant, je viens t’embrasser… aussi facilement, crois-le bien, que lorsque je te disais : « Au revoir ! » avant la guerre !... avant la guerre ! avant la guerre !...

                                                                                                                                                  Ton « petit ».

 

 

                                                                                                                                                   18 juin 1920

            Chérie mienne…

     Tu es lasse !...et je veux seulement te dire que je suis à ton côté comme toujours… mais… oh ! qu’il me sera doux de vous accueillir dans la patrie nouvelle ! qu’il me sera doux… si doux ! de voir votre joie, et de sentir que vous réalisez enfin la continuation de notre amour les uns pour les autres. J’ai vécu sur la terre avec le douloureux souvenir de vos deux pauvres visages, contractés par la volonté de retenir vos larmes au jour des adieux… je sais combien cette vision gonflait mon cœur de sanglots étouffés… et je comprends votre souffrance, puisque vous êtes demeurés sur ce dernier regard, plein d’angoisse inexprimée et de tendresse blessée !...

     Maintenant mes deux bien-aimés, je vis près de vous, avec la mission incomparable de sécher vos larmes par mon amour… de stimuler vos âmes, pour les élever jusqu’à la compréhension des renoncements et des holocaustes…de faire en vous la démonstration du vouloir de Dieu, lorsqu’il permet l’affliction suprême de l’abîme des souffrances qui déterminent le salut ! Si parfois encore ma joie se voile de tristesse, c’est d’une tristesse qui émane de l’amour, ce qu’en fait aussi de la joie. Je voudrais vous amener à une pareille conception des émotions de l’âme : « Pleurer avec ceux qui pleurent… se réjouir avec ceux qui sont joyeux », c’est notre bonheur à nous, Maman, car nous ne saurions plus nous isoler dans les sentiments qui nous émeuvent. Nous réjouir lorsque nos aimés pleurent, quelle égoïste indifférence ! mais nous réjouir de pouvoir pleurer avec eux quand ils pleurent… quelle plénitude de tendresse !... Alors mes bien-aimés… j’attends avec une impatience positive le moment où vous connaîtrez mon bonheur retrouvé, où nos mains se joindront, où nos regards s’uniront, où le passé terrestre et sa couronne d’épines s’effacera, et ne gardera dans notre souvenir que la part consacrée à notre évolution spirituelle !... 


                                                                                                                                                    Ton petit Pierre

 

 

                                                                                                                                                     23 juin 1920

    Poor little Mamma mine

     Here is a kiss for you, from your big boy who loves you !... Je n’ai pas oublié l’anglais, comme tu vois... Si tu pouvais discerner mon visage à travers «  l’ombre lumineuse » qui m’entoure, tu me verrais aussi sourire en ce moment !...
     Maman, je regardais avec toi ce paysage, formé par les œuvres de Dieu. Nous n’avons pas perdu la possibilité de contempler la Terre, la nature : (beaucoup d’entre nous, « les esprits du tout premier échelon », évoluent et circulent encore sur ce plan) ; mais nous qui dépassons déjà les sphères primitives, nous avons la facilité de voir en même temps, ceux dont la tendresse nous évoque, et tout leur entourage terrestre. C’est pourquoi je te dis que je visite ma chambre, et la chère grande maison ; il est bien évident qu’il ne m’est pas plus difficiles de distinguer les près et les bois, que les tables chargées de livres et de bibelots, les sièges, et toutes les différentes choses qui composent un intérieur familial. Quand je dis : je te vois, Maman mienne, je ne parle pas seulement de ta pensée, de ton esprit enrobé, mais aussi de ton visage bien-aimé, dont chaque détail est précis devant mon amour et devant ma vision spirituelle. Tout ceci, pour t’expliquer comment mon regard parcourt, comme le tien, les aspects riants de la campagne où Dieu accumule tant de beauté.
                                                                                                                                                    Ton petit Pierre

 

 

                                                                                                                                                    27 juin 1920

    Maman, chère aimée…  

     Oh ! Chère Maman, dans ma belle sphère blanche, déjà si lumineuse et si pure, nous connaissons le doux contact avec le Sauveur de nos âmes. Je te l’ai dit, la charité du Père nous permet la vue de Son Amour sous sa forme distincte, dont nos regards spirituels peuvent se rassasier et se fortifier. Il est là, au milieu de nous… Il nous aime, Il nous le dit… Oh ! ne pleurez pas , mères douloureuses, en songeant aux caresses que vous languissez de ne pouvoir  donner à vos bien-aimés ! Jésus prend dans ses bras (c’est mieux qu’un symbole), les petits enfants qui grandissent sous sa garde ; Jésus répand sur les jeunes têtes blondes ou brunes que la guerre avait brisées, tous les baisers que vous leur envoyez avec des sanglots ! Son amour, compréhensif des exigences de l’amour, nous apporte vos baisers eux-mêmes… la sensation délicieuses de vos baisers, la caresse de vos mains, le murmure de votre tendresse…
………………………………..
     Maman mienne, pourquoi ceux qui s’aiment avec une inébranlable fidélité, seraient-ils séparés, du fait de la mort ?... Séparés par la vie ?... Oui, sans doute !... Séparés par la mort ?... Non pas !! Séparés après la mort ?... après le revoir ?... après les mains jointes ?... après les chastes baisers de l’amour enfin retrouvé ?... Jamais ! Jamais ! Jamais !!...
                                                                                                                                                    Ton Pierre

 

 

                                                                                                                                                    28 juin 1920

     Chère aimée ! Maman à moi…

     A la fin de mon précédent message, j’aborde le mystère de la réincarnation, si troublant pour la pensée humaine. Je t’ai déjà dit qu’il ne vous est pas possible d’envisager toute la théorie du déterminisme, et de la réincarnation conditionnelle. Un motif puissant met le plus souvent obstacle à la volonté d’une âme, qui, sans lui, serait amenée à la réincarnation (pour ainsi dire toujours facultative) : c’est la fidélité des tendresses qui unit encore cette âme à ceux qu’elle a quittés. Chère Maman, je t’ai promis que nous nous retrouverions tous les trois, reformant la famille que avait constituée sur la Terre, et que seul un devoir supérieur a pu disjoindre prématurément. C’est te dire que les liens, desserrés par la transmigration d’une des âmes faisant partie d’un groupe, ne sont pas brisés…loin de là !
     Nous sommes bien nombreux ici, chère Maman, qui attendons avec émotion les revoirs !... La guerre a fauché des moissons incomplètement mûries : une génération d’âmes, que la vie terrestre devait modeler, abandonna des destinées inachevées sur la Terre, pour entreprendre une œuvre plus importante dans les sphères spirituelles. Mais Dieu nous aime ! Dieu n’est pas un Dieu cruel… et tous les cœurs qui vibraient à l’unisson des légitimes tendresses, ne peuvent point être séparés pour toujours ! J’affirme encore que la réincarnation n’atteindra pas les familles dispersées par la tempête : les parents retrouveront leurs fils, les sœurs leurs frères, et les épouses, les fiancées demeurées fidèles reverront le bien-aimé qu’elles désirent avec ténacité ! Quand vous viendrez nous rejoindre dans les sphères paisibles du Ciel, nul ne manquera au rendez-vous de ceux qui s’aiment. L’oubli est la brisure des revoirs – tout comme l’obstination dans le mal, qui ne permet pas non plus aux esprits nouvellement libérés, de séjourner près de ceux qui ont franchi les étapes funestes du péché volontaire.

     Le premier plan où les âmes séjournent après la mort, est, en quelque sorte, un lieu de « triage », mais les esprits n’y demeurent que lorsque leur poids matériel les retient dans une ambiance qui ressemble à celle de la Terre. Les autres âmes sont conseillées et soutenues par des esprits beaucoup plus évolués qui leur apprennent à s’élever vers des sphères plus pures. Dans le primitif, il ne reste que le « caput-mortuum » des âmes ; cependant, celles-ci sont destinées à évoluer comme les autres : un travail missionnaire, intense et actif, s’accomplit pour elles. Vous devez savoir et admettre que ces âmes-là ne sont pas heureuses : elles sont écrasées par le souvenir de leurs fautes… (j’entends ici, les seules fautes dont elles sont responsables par leur endurcissement voulu). Aussitôt après sa libération de la chair, Christ alla visiter ces « esprits en prison » ; est-il besoin d’une autre preuve que les enfants prodigues sont aimés par leur Père, comme tous Ses fils ?...
                                                                                                                                                    Ton Pierre

 

 

                                                                                                                                                    3 juillet 1920

      Chère, chère Maman,

     L’homme, aussi longtemps qu’il vit sur la Terre, est en effet l’esquisse de l’Image qu’il doit porter un jour : « l’Image de Dieu » ! L’homme est une merveilleuse espérance, encore irréalisée, mais existante dès l’origine, et vous ne comprendrez point votre raison d’être, ni vos capacités supérieures à vos œuvres, aussi longtemps que vous n’aurez pas admis pour l’humanité, un avenir supraterrestre.
     La Terre, chère Maman, est bien loin du sommet de la perfection créée par Dieu : il y a d’autres mondes où l’évolution est toute différente et beaucoup plus perfectionnée ; je te l’ai déjà dit, les races qui les habitent  sont dissemblables de la nôtre, mais la justice de Dieu juge d’après les dons reçus, et non pas uniquement sur la vue d’un résultat. Les sphères célestes n’embrassent pas ces mondes… Je veux dire que ces lieux de bonheur et d’amour que vous appelez le Ciel, ne font point partie des mondes qui représentent  votre système solaire ; ceux-ci n’ont pas encore atteint le point d’évolution, attendu par Dieu pour y placer les âmes en voie de convalescence. Pourtant le système stellaire contient des asiles pour les âmes. Il y en a bien peu qui soient discernables à vos instruments les plus perfectionnés, aussi est-il bien inutile de vous perdre dans ces dédales, inextricables pour vos sens, en vous incitant à découvrir l’indécouvrable ; ces déclinaisons transcendantes ne peuvent aboutir à aucune science positive. Il faut donc se borner à reconnaître… à reconnaître humblement, les prodromes de supériorité spirituelle dans l’homme terrien, et remercier Dieu pour cette preuve, encore obscure mais certaine, des destinées de l’âme humaine.
                                                                                                                                                    Pierre

 

 

                                                                                                                                    6 juillet 1920 Anniversaire d'une fête en famille

    Mais oui, ma bien-aimée Maman, je me souviens !... je me souviens ! et tu nous avais entendus, Bernard, Georges et moi, parler gaiement de ce jour émouvant de notre vie terrestre, décrire à Elsa les petits détails, restés si présents pour notre tendresse… tu aurais compris à quel point la grâce de Dieu nous laisse semblables à nous-mêmes, de l’autre côté de ce voile que vous ne savez pas soulever.
     Chère Maman, qu’ils sont étranges les moralistes, quand ils parlent du remords persistant au-delà du passage catégorique, sans admettre la mémoire des joies… des plaisirs eux-mêmes ! Comment pourrions-nous retrouver dans notre pensée immortelle le souvenir du moindre mouvement d’impatience et d’égoïsme, d’une parole aigre, ou tout simplement indifférente, si nous avions oublié le doux échange des bonheurs partagés, des mots de pure tendresse, et les impressions bienveillantes ou paisibles. Il n’en est pas ainsi, dites-vous cela, mes aimés ! la vie familiale, si douce, que vous nous avez fait vivre, reste pour nous comme un rayon lumineux et n’a pas perdu son importance, du fait que nous avons maintenant une existence très différente. De quoi servirait l’enseignement de la Terre à nos âmes, si tout était oublié après leur transition dans le monde spirituel ? Le Christ, juste Juge, ne nous condamne point comme des inconscients du péché dont on les accuse… bien au contraire ! rien n’est oublié, rien n’est perdu !... si nous portons le châtiment de nos offenses, c’est parce que nous gardons le sentiment de toutes les grâces reçues durant l’épreuve terrestre. Le simple bon sens vous prouve la réalité de cette magnifique affirmation : « la fidélité du souvenir dans les plus petites choses ». Et nous, qui avons vécu côte à côte une enfance remplie de bénédictions, nous nous rappelons bien des fois ces heures qui contribuèrent si largement à préparer notre état spirituel actuel.
                                                                                                                                                    Votre petit Pierre

 

 

                                                                                                                                                    11 juillet 1920

     Maman bien-aimée… me voici ! A peine ta pensée a-t-elle formulé mon nom, je suis à ton côté. Ne crois pas, en effet, que notre présence fidèle s’exerce comme une sorte de hantise ou que jamais nos regards ne se détournent de vous… en un mot, que vous ne soyez jamais complètement seuls devant vous-mêmes. N’y aurait-il pas là une tendre persécution, presque une chose indiscrète ?... Ce n’est pas du tout ainsi  que se produit notre communion, chère Maman. Différentes conditions nous font accourir aussitôt, et prendre notre place auprès de vous : tout d’abord, votre désir de nous — qui est un doux et puissant appel auquel nous répondons toujours, serait-ce même après des années d’oubli et d’infidélités, car Dieu ne permet pas que votre âme nous cherche en vain.
     Plus encore, lorsque notre protection vous est nécessaire… si des esprits mal intentionnés vous entourent… si la tentation vous menace… si même un danger matériel se dessine… nous venons interposer notre amour, et nos prières et notre influence. Il est des cas très douloureux où nous ne pouvons rien en votre faveur… votre propre mauvaise volonté s’y oppose. Mais, chère Maman, ceux qui ont pris l’habitude de partager leur cœur entre les bien-aimés de la Terre et ceux du Ciel, ont rarement à craindre cet obstacle qui nous désole parce qu’il annihile nos efforts.
                                                                                                                                                    Votre Pierre

 

 

                                                                                                                                                    25 juillet 1920

               Chère Maman,

     Ce passé qu’il faut abolir, a cependant une âme qui recueille la pauvreté et la richesse des jours écoulés, une âme que vous devez conserver vivante, une âme qui parle d’une voix insistante et que vous n’avez pas le droit de faire taire : c’est le « souvenir ». Que serait l’homme, la responsabilité de l’homme devant Dieu, s’il oubliait les heures de son passé terrestre, fussent-elles remplies de crimes et de douleurs, aussi bien que de charme et d’amour ?... Elles furent écrites dans le livre de votre destinée, avec des larmes ou des sourires, ou même du sang ; elles sont attachées à vous, elles forment les os de votre corps spirituel… vous devez les préserver de la décadence, de l’indifférence et de l’oubli. Je sais bien que, seuls, les journées sereines attardent volontiers votre pensée, mais cela suffit-il ?... Apprenez donc à peser ce passé sur la balance de votre existence individuelle, en y ajoutant une tare importante : les remords et le pardon ; alors, l’autre plateau pourra, sans péril, contenir les espoirs et les résolutions nouvelles !
                                                                                                                                                    Pierre

 

 

                                                                                                                                                    27 juillet 1920

               Ma chère Maman bien-aimée,

     Oui, dans le Ciel, où nous continuons la chaîne dont les premiers anneaux sont nos actions terrestres (j’appelle actions, nos pensées elles-mêmes) ; vous comprendriez toute la gravité des mouvements du cœur si vous appreniez à les confondre avec ceux de l’âme, puisque (vous le saurez un jour !) ils ne font qu’un. La vie qui suit la mort du corps, est comme un champ où nous cueillons les fleurs que nous avons semées sur la terre ; nous n’y plantons point des fleurs nouvelles, (réfléchissez bien à cela !) ce sont toutes celles qui firent naître nos semailles durant notre vie terrestre qui composent notre jardin céleste… voilà pourquoi ces semailles sont si importantes. Au ciel, nous cultivons, nous arrosons les belles fleurs que le Soleil divin fait croître ; mais nous détruisons, en les arrachant patiemment, les herbes folles qui les étouffent. C’est donc bien sur la Terre, uniquement sur la Terre, que nous préparons la moisson éternelle… Je te l’ai dit : la résurrection est une suite et non point un recommencement.


                                                                                                                                                    Pierre

 

 

                                                                                                                                                    8 août 1920

              Dearest Love ! Mamma mine !...

     Oui, la vue des hommes est bornée… mais surtout pas leur égoïsme ! Lorsque vous cherchez à découvrir quelle est, en réalité, votre plus pressant devoir, commencez par sortir
de vous-même, pour vous mettre à la place du prochain que vous devez aimer. Je le sais bien, c’est justement cela qui vous est si difficile… néanmoins, c’est indispensable, si vous êtes sincère et convaincu dans votre désir d’agir selon la volonté de Dieu. Aussi longtemps que vous n’aurez pas imaginé ce « troc » entre vous et votre frère, vous ne serez pas certain de pouvoir vous écrier : « Non pas ce que je veux, ô mon Dieu ! mais ce que tu veux. »


                                                                                                                                                     Ton petit

 

 

                                                                                                                                                    L. P. 18 août 1920

    Un instant seulement, Maman chérie, pour te redire que ton Pierrot t’accompagne… que tes plus petits ennuis de maison à organiser, il y compatit tendrement… que tu peux les lui dire comme autrefois, qu’il sympathise avec tes difficultés journalières ! Et puis aussi, chère Maman, je veux te répéter encore, que je me réjouis pour notre tendre communion de te sentir dans le calme de la nature… ce merveilleux ouvrage du Créateur, dont nous connaissons ici le développement, si inattendu quand nous nous efforcions de voir uniquement le côté matériel des choses.   Même au point de vue esthétique, si je puis dire, la Création est incomparable ! Pourtant les yeux infirmes des mortels ne peuvent en distinguer que le sens (je ne dis pas le côté, mais le sens) matériel. Je ne cherche pas à t’expliquer cela, chère Maman, car c’est une des questions qui entrent dans la catégorie de l’invérifiable, dont je n’aime pas t’entretenir. Rappelez-vous toutefois, que nous vivons dans des paysages délicieux, depuis que nous avons la joie et le privilège d’être esprits libérés ; ce n’est pas que nos sphères soient plantées, construites, ni cultivées, mais si vous ne pouvez vous expliquer comment  tout ceci est possible, trouvez le pressentiment de la vérité, en vous rappelant que le Ciel est un état d’âme.
                                                                                                                                                     Ton Pierre

 

 

                                                                                                                                                    19 août 1920

              Tous, nous conservons en nous la réminiscence émue et inconsciente de cet Eden, où devait s’épanouir notre race. Nous aspirons à sa paix, à la bienveillance, à l’amour, au bonheur… mais livrant volontairement nos âmes au Malin, aussi longtemps que nous habitons la Terre nous faisons ses œuvres, et nous rencontrons la guerre, la jalousie, la haine. Ne plus jamais sentir notre âme blessée par nos frères est un bonheur inconnu, dont nous recevons les prémices dès notre délivrance ; l’unique souffrance qui subsiste, c’est nous-mêmes qui l’avions intimement attaché à notre âme durant son séjour dans la chair… nous sommes contraints de le reconnaître.     

     Pensez à toutes ces choses, mes bien-aimés ; ce ne sont pas des possibilités, ni même des probabilités, ce sont des faits certains ! Tel est l’avenir qui attend votre âme, conséquence de votre vie jugée selon les talents que vous avez reçus… Tout homme a reçu un talent – ou plus peut-être – quand la destinée de son être immortel  s’ébaucha dans la chair, et tout homme en rendra compte, car Dieu a besoin de son concours ; loi étrange, qui élève l’homme à la ressemblance même du Tout-Puissant.
     Ma petite Maman mienne, je vous attends, avec un désir très grand de vous recevoir dans les sphères où les tribulations matérielles ne pourront plus vous atteindre ! Mais, préparez cette heure d’un revoir si tendre par des efforts constants vers l’amour. Si j’ai dit que les tribulations matérielles vous seraient désormais épargnées, n’en concluez point que toute souffrance est inconnue aux sphères atteintes par les âmes que Dieu relève d’entre les morts… du sommeil de la mort : au contraire, ces âmes prennent pleine conscience de leur vie passée.
Quand la mort violente et subite frappe l’homme de la Terre, son existence entière, son existence dans les moindres détails, traverse son souvenir ; c’est le prélude du proche avenir spirituel… non pas immédiatement après la libération de l’âme, Dieu soit loué ! car le moment de l’éveil est une extase adorable… mais très vite, la conscience de l’existence spirituelle qui fut celle de l’âme au cours de ses jours terrestres, se manifeste sous la forme des souvenirs les plus précis : les regrets, les remords, puis aussi la satisfaction du bien accompli ; tout se dresse en tableaux accusateurs ou justificatifs, devant les regards brusquement éclairés par la lumière du Ciel.
     Vous devez y penser, puisque cette expérience est aussi inévitable pour votre âme que la mort elle-même. C’est la conclusion logique de la transition d’une condition à une autre et votre vie dans les sphères célestes en dépend, car, selon la décision prise par vous-même, et selon le jugement qui vous fut prophétisé, le Christ vous rangera « à sa droite ou à sa gauche ». Cette image signifie que vous rejoindrez dès l’heure, les esprits qui vous seront semblables, parce que vous ne sauriez vivre dans la société des autres.


                                                                                                                                                    Ton Pierre

 

 

                                                                                                                                                    28 août 1920

    Chérie, chérie, pauvre chérie…

     J’aime quand la bonne maison de famille est bien arrangée, avec des fleurs, et partout  du soleil !...Je le comprends… il y manque pour vous la joie de la présence visible de votre grand garçon… mais puisque (vous le savez bien !) il est auprès de vous comme naguère, puisqu’il se réjouit de voir les rayons du jour pénétrer dans les pièces si pleines de souvenirs, et chaque chose reprendre sa place coutumière… et la vie réveiller la maison silencieuse !... Ma petite Maman mienne, dis-toi que c’est toujours pour moi que tu fais revivre « l’âme de notre home » car, je te l’affirme, j’en éprouve du plaisir maintenant encore. Vous n’arrivez pas à réaliser combien nous restons vôtres, mes bien-aimés… à quel point notre amour immortel s’unit aux mouvements de votre fidèle tendresse, et les ressent positivement, parce que nous sommes préparés à cet échange spirituel par les conditions de notre nouvelle nature et notre nouvelle existence.
                                                                                                                                                    Votre "petit"

 

 

                                                                                                                                                    31 août 1920

                 Maman, ma chère chérie…

     N’aie pas le cœur serré en pensant à tout ce que tu voudrais me dire… je le sais ! ma petite Maman ; ce qui gonfle de sanglots ton cœur maternel, je le sais ! je le lis en toi puisque j’habite en toi … que ma demeure est « chez toi » !! Tu t’écrieras peut-être : « Comment est-ce possible ? ma foi le sent dans une sphère plus belle !... » Mais ma chère aimée, Dieu et son Christ ne vous ont-ils pas promis de  «  faire en vous leur demeure… » et que sommes-nous donc, auprès du Père des Cieux et de son Amour, Christ ?... Celui que «  les Cieux des Cieux ne peuvent contenir » a fait cette promesse… vous comptez pieusement qu’elle est réalisée ! Alors tu me comprendras n’est-il pas vrai ?... lorsque je t’affirmerai que la liberté si nouvelle de ma sphère blanche, me permet de vivre en vous par l’esprit.

     Petite Maman, reste forte et confiante ! nos âmes communiquent, doucement,  fidèlement !  tes pensées traversent mes pensées et les entraînent vers toi… nous nous aimons, c’est là tout dire !!


                                                                                                                                                    Ton petit Pierre

 

 

                                                                                                                                                    6 septembre 1920

    Maman chérie,

     Je t’avais parlé de cette vie répandue dans l’Univers comme le sang vivant dans le corps des hommes. J’ai déjà appelé Dieu : le  « cœur » de cet organisme, et l’amour vivant de ce cœur : Jésus. J’ai employé là des symboles, sans doute ; néanmoins, ils vous faciliteront la découverte des glorieuses réalités. Je pense que, par ce rapprochement inattendu  entre Dieu et sa création, tu verras se soulever un petit coin de voile qui  vous dérobe si absolument l’aspect du « Tout », Source de la Vie. Est-ce que je me trompe ?... Nos études actuelles, chère Maman, ouvrent nos âmes à des compréhensions si nouvelles, qu’elles nous confondent  d’amour et de reconnaissance ! Le plus souvent, nous hésitons à nous entretenir de ces questions surnaturelles pour vos pensées : nous craignons de vous troubler sans vous instruire. Mais cependant vous êtes capables de reconnaître la Vie, puisque vous savez que la gravitation est universelle. Rien de ce qui se meut n’est privé de l’animation vitale, or tout se meut… jusqu’aux forces enfermées dans les rochers de vos montagnes, et que, par ignorance, vous laissez improductives.
     Je m’arrête… ces indications doivent vous conduire vers de nouveaux champs de travail. L’homme n’est pas né pour «  le moindre effort », mais pour la lutte passionnée contre cet « inconnu » dont Dieu l’entoure et qui doit l’élever jusqu’à Lui, par l’évolution anoblissante de la solidarité.
                                                                                                                                                    Pierre

 

 

                                                                                                                                                    10 septembre 1920

              Chère Maman,

     C’est toute confiance que vous devez  affirmer notre présence spirituelle dans la vie familiale. La croyance ancienne (et très observée encore dans certaines races) de la protection des esprits qui ont franchi le voile en faveur des êtres chers demeurés sur le monde terrestre, n’est pas une illusion, mais la plus douce des réalités. Oui, mon cher, cher Papa, tout comme ton Pierre t’apportait à cette date spéciale les vœux de sa tendresse, il s’approche de ton âme ! Ses vœux sont des prières plus précises, plus compréhensives,  et bien plus tendres désormais, car ses conceptions de la vie se sont puissamment modifiées !…
     De même, je vois les petits pieds trotte-menus qui parcourent la maison… et le berceau qui fût le mien, préparé pour un autre petit Pierre !... Ah ! chère Maman, ces tout-petits n’ont pas perdu la tendre affection de ceux que vous ne savez point voir autour de leurs berceaux, mais qui pourtant s’y penchent avec joie… je puis même dire, avec un plaisir tout à fait analogue à celui que leur tendresse eût provoqué, de votre côté des choses. Non, chérie, la jolie tante Elsa n’a pas renoncé au bonheur d’être tante… Quel dommage que vous ne puissiez pas la discerner, si belle, si blanche… son visage tout illuminé d’amour !… Nous aussi, vos grands garçons, nous réclamons notre place dans la maison de famille. Cela vous surprend ?... mais, ne l’affirmons-nous pas, de toute la force de notre influence occulte : « La mort n’est pas ! »                                                                       
                                                                                                                                                   Pierre.

 

 

                                                                                                                                                    13 septembre 1920

              Les hommes cherchent le bonheur, réclament le bonheur, sont prêts à blasphémer lorsqu’ils ne rencontrent pas le bonheur !... ce bonheur, il est contenu intégralement dans la maxime qui termine ma dernière lettre. Mais, essayez… essayez donc ! essayez de bonne foi, non pas seulement en témoignant  quelque bienveillance, en faisant quelques sacrifices… ce serait tout à fait inutile ; le bonheur ne se cache point dans cette médiocrité…(je veux dire une médiocrité de l’intention, je ne parle pas d’une médiocrité des cas) : en effet, l’importance des causes ne compte pas, car ce qui renferme la science du bonheur, « c’est l’abandon absolu de soi au service de ses frères ». Notre bonheur céleste n’est pas autre chose.

     En un mot, tout ce qui n’a pas comme but le bonheur de nos frères, ne contient plus pour nous de bonheur, car il cesse dès l’instant où nous songeons à nous-mêmes.
     Et voilà ce bonheur que votre âme désire, avec tant de persévérance et si passionnément, mais sans jamais l’atteindre sur la Terre, parce que vous vous attachez à la conception d’un bonheur qui consiste dans la possession du bonheur pour soi, et que cette conception tue le bonheur. Appliquez-vous à rechercher le bonheur de vos frères, et ne jamais pensez point à autre chose ! Pour atteindre à l’altruisme, il faut aimer… il n’y a pas d’autres solutions, ni d’autre moyen                            
                                                                                                                                                     Ton petit Pierre

 

 

                                                                                                                                                    30 octobre 1920
 
      Oh ! mes aimés, mes plus aimés parmi les aimés !... Papa ! Maman !! n’ayez point le regret des jours passés sans que vos regards, pleins de tendresse, puissent distinguer mon visage. Je ne suis pas éloigné de la maison… de ma chère maison ! et si je ne prends pas matériellement part à votre vie  de famille, je vous entends, je vous vois, je me réjouis avec vous… et je suis ému quand des larmes montent à vos yeux !! Maman ! chérie Maman… je les essuie avec des baisers que tu ne sais pas reconnaître, tes pauvres yeux si mouillés de pleurs… et je pose ma tête fidèle sur ton cœur gonflé de sanglots… je te jure que ce n’est pas une image, mais qu’il en est réellement ainsi.

     Direz-vous que le vent, invisible, sinon par ses effets, n’est point une réalité ?... Ton petit Pierre, Maman bien-aimée, est une force spirituelle, plus agissante, plus puissante que le vent… je dis mal ! Il est une puissance consciente et raisonnable, que rien n’enchaîne, qui ne trouve pas d’obstacle à son action, et qui vient vers toi de l’Infini céleste, puis retourne à l’Infini céleste !...
                                                                                                                                                   Pierre

 

 

                                                                                                                                                    27 novembre 1920

              Non, chère Maman, l’amour entre tous les frères ne doit pas devenir une faiblesse. « L’homme naturel est un loup pour l’homme », disait un païen indigné, mais l’homme régénéré par la suprême manifestation d’amour de son Dieu en Christ, n’a plus le droit de se contenter d’un tel programme, insoutenable devant la Croix. Il y a toutefois des paroles bien graves sur les lèvres du Messie lui-même, et qui prouvent la justice de Dieu, non seulement équivalente à son amour, mais cause de cet amour. Je m’explique : si l’attitude du pêcheur le laissait indifférent, Dieu aimerait moins parfaitement….
     L’amour que Dieu vous commande ne signifie donc pas (ainsi que le suppose certains d’entre vous), la complaisance… presque une complicité devant le crime, mais toutefois l’infaillible constance de la Charité. Il vous est dit : « d’aimer votre ennemi », et non point de lui permettre de vous nuire ; ah ! que vous êtes maladroits dans l’appréciation des paroles du Christ ! Il vous a déclaré : « Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui la joue gauche » c’est-à-dire,  « ne vous vengez pas, mais bien-aimés ! » mais il ne vous est pas dit que si ce coup est destiné au visage de votre frère, qui dans sa faiblesse compte sur vous pour le protéger, vous deviez accepter sans chercher à les parer, cette insulte et ce crime contre l’amour. Le coupable n’est pas celui qui met sa poitrine entre la poitrine de son frère et l’épée qui le menace… le coupable est celui qui dégaine l’épée pour attaquer et non point pour défendre. Il nous semble que ce problème est si simple ! Comment trouble-t-il tant d’âmes ?... Je le sais ma petite Maman, tu n’as point de doutes sur les devoirs de l’amour qui se sacrifie au nom  de ceux que Dieu lui confie. « Donner sa vie pour ses amis, c’est le plus grand amour », affirma le Christ. N’est-ce point là le renoncement à soi-même, et le sacrifice pour le salut d’autrui ?...
                                                                                                                                                   Ton petit Pierre  

 

 

                                                                                                                                                    9 février 1921

                             Chère Maman,

     La plus parfaite conception de l’amour humain, c’est celui d’un père, d’une mère, pour leur enfant. Si vous définissez par le raisonnement les détails de cette conception d’amour, vous comprendrez comment il se peut que Dieu  exprime le summun de l’amour, en sacrifiant Son droit à l’amour, pour permettre aux affligés de la Terre la consolation d’une amour qui cependant n’égale pas le sien. En effet, la mère qui aime n’admet-elle pas, au nom même de cet amour, que la tendresse de son fils mette une autre femme la plus privilégiée qui lui était réservée depuis le jour de l’éveil de l’âme de l’enfant à la vie sentimentale ? Je puis même dire que l’amour de toute mère jalouse n’atteint pas la perfection dont les tendresses humaines sont capables, puisque le moindre sentiment d’égoïsme qui se glisse dans l’amour altère sa pureté. Il vous est donc compréhensible que Dieu qui aime infailliblement dans Son Amour sans défaut, dans Son Amour incomparable et unique, puisse consoler par l’amour de leurs fils, les mères meurtries dans leur amour. Oui, chère Maman, car, ainsi que je te l’ai dit, la nature de Dieu exprimée est à la fois féminine et masculine. Pourquoi cette pensée vous troublerait-elle ?...En seriez-vous encore à l’indéfendable croyance de l’infériorité féminine devant Dieu ?...La femme n’est-elle pas la ressemblance de Dieu comme son compagnon de voyage ?... Et cependant, il est indiscutable que les deux sexes humains ont des qualités différentes, des défauts qui leur sont propres, des affinités particulières, des aspirations presque contraires, qui établissent devant le jugement le critère de la féminité ou de la virilité. Dieu contient donc dans son Unité procréatrice, ces manifestions divergentes qui ont formé l’âme masculine et l’âme féminine. Dieu est l’une et l’autre dans leur perfection.
                                                                                                                                                    Pierre

 

 

                                                                                                                                                    3 mars 1921

              Il en est parmi vous qui ont  peine à se représenter ce que nous appelons « des sphères », c'est-à-dire les conditions des résultats obtenus. Cependant les paroles du Fils de Dieu indiquent et confirment à la fois la conception uniquement évolutive de ce Paradis céleste, que vous vous représentez à tort comme un lieu et non point comme une manifestation spirituelle. Relisez donc les paraboles du Messie concernant le « Royaume de Dieu » : « C’est un levain qui fait lever la pâte » ; c’est un « grain de moutarde qu’un homme sème dans un champ » ; c’est un « trésor caché sous la terre » ; c’est une « perle de grand prix » ; c’est un « filet jeté dans la mer » ; c’est « la bonne semence répandue sur le sol ». Est-il question dans ces comparaisons d’un lieu quelconque ?... Non pas ! mais de forces spirituelles avec toutes leurs conséquences… Oui certainement il vous est aisé de conclure que la possession du Royaume de Dieu ne peut pas s’appliquer à ceux qui, fidèles ou infidèles, ardents ou paresseux, bons ou méchants, pénétreraient dans les régions supraterrestres, pour s’y acclimater, et pour y vivre  indifféremment d’une vie faite d’égoïsme ou remplie d’amour, puisque le « Royaume » annoncé par le Sauveur des hommes, c’est  l’Amour lui-même ; rappelez-vous bien cela : « un acquet spirituel et non point matériel ». Et voilà pourquoi le Christ vous disait dans son incomparable enseignement : «  Le Royaume de Dieu ? il est en vous… il est au milieu de vous ». Le Royaume d’Amour c’est la semence d’Amour et le levain d’Amour, qui transforment l’âme mais sans en faire « une autre âme », car l’âme… votre âme, c’est ce champ, ou bien encore cette pâte que l’Amour doit féconder pour l’amener au rôle glorieux d’un écrin, qui contiendra le trésor par excellence baptisé par le Christ Lui-même : « le Royaume de Dieu ».

     Tu m’as demandé, Maman, si nous percevions la musique terrestre…, un orchestre par exemple. Il est certain que nous ne perdons rien des vibrations transmises à nos sens spirituels, et que (pour me servir d’un terme que vous comprendrez), nous entendons par conséquent les harmonies qui frappent vos oreilles. C’est toutefois d’une manière beaucoup plus parfaite et plus intéressante : nous entendons ce qui fut l’inspiration du compositeur, qu’il rend toujours imparfaitement parce qu’il y a « des trous », si je puis dire, dans l’extériorisation de toute inspiration, complète dans le psychisme de l’artiste, mais impossible à redire intégralement avec les moyens dont il dispose ; tout inspiré : poète, compositeur ou peintre, me comprendra ; il en résulte donc  une perfection radieuse des harmonies qui est pour nous une profonde jouissance. Tu te diras que nous pouvons parfois saisir aussi des compositions très décevantes… tu te trompes ! Ce qui a chanté dans une âme sous l’émotion des créations spirituelles, est uniquement une impression harmonieuse qui ne vient pas toujours à la surface (aux lèvres) en accords, capable d’exprimer et de rendre le mystère des inspirations intuitives.
     Vous avez grand’peine à vous souvenir de l’accès permanent de vos esprits par les nôtres. Il n’est point  de pensées, de sentiments, d’élans faits de laideur ou de beauté, qui nous échappent. C’est pourquoi nous avons conscience pleine et entière de vos découvertes, encore informulées mais déjà entrevues, comme des espoirs à peine éprouvés, des rancunes secrètes, des directives d’amour, quand même ils ne soulèvent qu’un coin du voile où votre avenir se dérobe. Je veux dire que tout germe qui s’éveille en vous émeut nos âmes affinées et sensitives dont toutes les fibres les plus délicates résonnent tel un instrument qui recueille une onde, une note, et la redit comme un écho. Ces échos sont un chemin vibrant qui nous permet de participer à l’expansion mystérieuse des âmes terrestres, et d’aller jusqu’au bord du réservoir intime d’où s’échappent les innombrables ruisseaux, dont un petit nombre seulement se montre à la surface et s’épanche en réalités spirituelles qui soient accessibles à vos sens.

     Tu trouveras peut-être tout ceci un peu confus, chère Maman,  mais je me sens bien à l’étroit  dans le langage humain pour exprimer la vie des anges et celles des esprits délivrés du corps. Rappelez-vous que le Royaume de Dieu est une pensée d’Amour, et vous ne verrez plus
subsister aucune difficulté entre vous et l’extrême spiritualité des conditions normales de l’existence céleste. « Le vent souffle où il veut », dit Jésus à Nicomède, « et tu en entends le bruit. Mais sais-tu d’où il vient et où il va ?... il en est de même de tout homme qui est né de l’esprit ». La prière de l’Esprit est « un soupir qu’on ne peut exprimer »
     Telle est l’âme, tel est son langage ! Pourriez-vous dire que la puissance du vent est une illusion ?... Oseriez-vous nier l’envol de la muette supplication qui soulève vos poitrines, aux grandes heures de votre vie ?...
     Devant le rationalisme de la chair… fumée !
     Devant le mysticisme de l’esprit… victoire !
                                                                                                                                                     Pierre

 

 

                                                                                                                                                    13 mars 1921

              Tu le sais il ne peut rien intervenir de malsain, de morbide dans la communion des âmes ; elle doit s’exercer naturellement et simplement. Mais vous avez laissé s’atrophier la faculté dont Dieu vous avait enrichis à l’origine, et vous trouvez surnaturel, supranormal, un échange intime, qui, bien au contraire, est aussi rationnel que tous les rapports entre les hommes de la Terre… à moins que vous ne perdiez le sens de la supériorité spirituelle  de l’Humanité subconsciente, ce qui serait la plus grave erreur d’un psychologue.
     Depuis le départ de ces quelques lettres, choisies par vous si soigneusement, mes bien-aimés, nous avons observé avec beaucoup d’émotion le développement et le résultat de notre tentative. Je dis : nous, car mes inspirateurs, mes guides, attendent, plein d’espoir,  l’impression qui va se produire, et de même mes amis de la sphère blanche, ceux qui me sont particulièrement chers, ceux que j’aimais déjà sur la Terre, et qui n’ont jamais cessé de s’occuper de vos âmes… tous ceux qui ont grandi comme moi dans l’ombre douce des mêmes tendresses… tu connais chacun de leurs noms ! Nous sommes réunis dans le monde où il n’y a plus ni deuils, ni cris, ni larmes, et où « la mort est désarmée par l’amour ».Oui, nous sommes tous remplis d’espoir, Maman chérie, car ici l’œuvre de chacun est l’œuvre de tous………..

 

Maman chérie,

     Ce qui fait votre indécision et vous induit en erreur, c’est que vous donnez au subconscient une sorte de personnalité indépendante tandis qu’il vous serait bien plus aisé de comprendre son rôle, si vous l’appeliez tout simplement : la subconscience. Je veux dire que vous vous imaginez avoir à faire à une émanation simple de votre ego, alors qu’elle est triple, comme toutes choses en vous : vous verriez beaucoup plus clair, si vous reconnaissiez la subconscience de votre âme, celle de votre esprit et celle de votre corps, s’unissant finalement en une seule : le subconscient, qui est, en somme, la partie la plus spiritualisée de votre triplicité… la couronne, le diadème de toutes vos aspirations les plus raffinées. Comme cette flamme est une lumière, vous apercevez dans son reflet bien des coins ignorés de votre être, mystérieux assemblage, partageable et inséparable qui évolue individuellement pour amener un résultat unique. Il est donc bien évident que, si vous vous servez de votre esprit (l’intelligence) pour votre âme, et de votre sensibilité pour votre corps (l’activité extérieure), en les incitant, s’il le faut, à réagir les uns sur l’autre, souvent inconsciemment, mais parfois volontairement, il en est de même pour votre subconscience. Les trois termes de ce trinôme humain se complètent comme en toute proposition synthétique ; c’est ce qui vous fait croire à l’influence d’un seul, alors qu’il y a en réalité une triple influence, qui s’unit dans un but commun, et finalement se fond en unité.
     Tu trouveras peut-être cette définition bien confuse, mais il est utile de la comprendre, pour ne pas attribuer au subconscient un rôle absolument incompatible avec le sien.
                                                                                                                                                    Ton Pierre

 

 

                                                                                                                                                    7 avril 1921

              Chère Maman,

     La subconscience est une richesse exclusivement humaine, et qui est représentée d’une façon rudimentaire chez l’animal par l’instinct. L’homme primitif lui-même a toujours été guidé par sa subconscience, tandis que les frères inférieurs n’ont jamais connu qu’une manifestation seconde de cette prudence spéciale qui contrôle aussi bien les évènements que les émotions psychiques. Dans l’animalité, elle se traduit par des réflexes tout à fait indépendants du discernement, parce que chez ces esprits très limités, la volonté n’est pas assez autoritaire pour être comprise et discutée. Tandis que chez l’homme, la subconscience monte à la surface de l’âme sous forme d’intuitions, souvent si catégoriques, qu’elles obligent au raisonnement et à l’extériorisation de la pensée. Voilà pourquoi dans les rangs inférieurs de la vie organisée, la mère éprouve instinctivement les élans de sa maternité avec toutes leurs conséquences, tandis que la mère humaine aime ses enfants subconsciemment et consciemment. Le subconscient est, en somme, le raffinement de l’instinct, car l’esprit qui anime l’animal n’atteint pas… n’atteindra jamais la vocation spirituelle de l’homme ; il a toujours été une « contrefaçon », puis-je dire, des capacités de l’esprit humain.
                                                                                                                                                    Ton Pierre

 

 

                                                                                                                                                    16 avril 1921

     Chère Maman,

     Nous touchons avec beaucoup de prudence aux traditions religieuses du premier âge, que vous comprenez si mal sous leur forme à la fois symbolique, mythique et vraie, et que vous acceptez d’une manière beaucoup trop simpliste, sans tenir compte du travail séculaire de la pensée humaine… si je ne craignais d’offenser votre foi, je dirais même : de l’imagination des hommes qui, comme tous les primitifs, entremêlaient la croyance orthodoxe et la superstition.
     Néanmoins nous le constatons, la science risque peu à peu de faire courir un danger bien plus sérieux à cet édifice, indispensable à votre vie religieuse, et dont le plan tout entier tient dans la Genèse. En effet, comment pourriez-vous concilier l’humanité presque animale encore, déjà dispersée sur la plus grande partie de la Terre, et le récit merveilleux, plein de charme imprévu, qui vous montre le premier couple humain, innocent et beau, dans un Eden où régnaient l’harmonie et la paix ? Il devient donc indispensable de conduire, non seulement vos âmes, mais vos esprits et vos intelligences au bord du fleuve sacré des traditions bibliques
considérées en parallèle avec la paléontologie humaine et spirituelle, pour vous permettre d’accueillir, sans trembler, et sans dommages pour votre foi, les découvertes de la science.
     Je t’ai déjà montré en Adam le premier homme véritable, et je t’ai affirmé que la race humaine, bien qu’ayant subi comme toute la Création la loi de l’évolution voulue par Dieu, n’est point issue de la lignée simienne, en dépit d’une ressemblance très troublante au premier abord. Je le répète, dans le squelette, qui rappelle parfois si étroitement celui du singe, sommeillait déjà l’esprit fait à l’image de Dieu, pour lequel le Maître de l’Univers attendait l’heure qu’Il avait fixée, l’heure de l’éveil à la vie spirituelle.
                                                                                                                                                    Ton Pierre

 

 

                                                                                                                                                    19 avril 1921

    Chère Maman,

     …....Vous voyez donc ici deux périodes. Il y a un premier jugement individuel : le « regard » du Sauveur sur la conscience humaine, soudain absolument dévoilée… nue ! nue ! nue ! puis selon la révélation de ce livre humain, si je puis dire, le Fils de Dieu désigne à l’âme nouvellement libérée, une place dans une des régions qu’il a choisies Lui-même, avec justice et compassion.
     Evidemment, l’Homme de Douleurs est un juge miséricordieux, mais juste ; et vous devez y penser sur la Terre, car votre place sera celle que vous méritez… le châtiment proportionné à votre péché. Oh ! priez, mes bien-aimés ! priez pour ne pas « tomber entre les mains » d’un Dieu indigné ! mais aussi, priez pour nous, afin de nous entourer des effluves stimulantes de l’amour, auquel Dieu prête toujours une oreille émue et attentive.
     Puis, quand Dieu jugera l’épreuve humaine terminée, viendra le « Jugement dernier » que vous annonça son Christ ; et nous comparaîtrons tous devant le Tribunal du Fils qui, ne l’oubliez jamais ! est l’Amour même de Dieu. Il y aura là, (pour nous demander compte de notre vie, non seulement terrestre, mais déjà céleste), la Trinité sainte et Glorieuse : « Dieu le Père… et son Christ et le Saint-Esprit, » qui, tous deux,  nous furent donnés pour nous arracher au néant ; Tri-Unique et Perfection intégrale, – par conséquent dans la justice – dans la justice mais aussi Perfection dans l’amour ; sans cette grâce, « qui de nous pourrait subsister ». Il y aura là les Anges, puissance du Ciel ; il y aura les Saints, les élus… des hommes, car l’humanité doit rendre compte à l’humanité du retard apporté à l’accomplissement de la prière du Christ : Ô Pére, qu’ils soient un en nous, comme nous sommes Un » l’unité du Créateur et de ses créatures, qui réalisera enfin le face à face avec Dieu.
     Alors, les âmes qui auront constamment refusé de renoncer à elles-mêmes, à leur orgueil, à leur égoïsme, en un mot, refusé d’aimer, seront abandonnées au feu des remords et de la honte… elles s’anéantiront : « ce sera la seconde mort », mais les justes auront acquis la vie éternelle ; ils entendront la parole de victoire : « Entre dans la joie de ton Seigneur ! ».
     Chère Maman, vous trouverez toutes ces choses dans le Livre des livres : « Sondez les Ecritures ». Amen.


                                                                                                                                                    Ton Pierre

 

 

                                                                                                                                                    1er mai 1921
              Maman chérie,

     Evidemment hélas ! vous vous heurterez aux doutes de vos frères quand il s’agira de proclamer votre confiance et votre foi dans toutes les choses, dites surnaturelles, parce que votre petite science, étriquée et mesquine, les laisse inexpliquées. Evidemment hélas ! ceux qui prétendent contenir Dieu et Sa pensée, et Ses œuvres dans un Livre, fût-il le plus grand de ceux que l’homme ait transposé pour l’homme, ceux-là se récrieront ! ils refuseront de modifier une seule de leurs conceptions… si pleine d’erreurs cependant ! Evidemment hélas ! les savants matérialistes, agnostiques et septiques, se contenteront de hausser les épaules et de passer à un autre sujet de méditation… et bien évidemment aussi, il y aura des hommes pour protester, pour crier, pour menacer même, car ils ne savent croire que ce qu’ils ont cru, sans rien découvrir au-delà de leurs convictions toutes faites, basées sur un passé qui meurt chaque jour… en ce modifiant toutefois, pour se hausser « de gloire en gloire » jusqu’à l’absolu de la gloire : l’unité avec Dieu. A tous les esprits, moroses et ankylosés  jusque dans leurs élans, il faudrait apporter des preuves visibles et tangibles de l’invisible et de l’intangible.
     Ces preuves, ils les auront un jour ! mais non point sans avoir fait pour cela le nécessaire ; c'est-à-dire : prendre corps à corps le fantôme de l’Inconnu, pour le démasquer, le reconnaître, et l’étudier. Ce jour viendra, puisqu’il s’agit ici des phénomènes que Dieu destine à l’existence terrestre, en vue de sa préparation à la vie qui doit suivre,

    Dans l’état actuel des connaissances humaines, vous ne prouverez rien au moyen de votre intelligence et de ses raisonnements ; mais votre âme est une preuve que vous ne sauriez prouver de l’existence de Dieu, de Son amour et de votre immortalité. Continuez de syllogismes en syllogismes, et vous rencontrerez ceux-là que, sans preuves vous présentez autour de votre douleur, parce que vous avez éprouvé la fidélité magnifique des tendresses. Les effluves de votre cœur périssable ne sauraient être plus parfaits que l’Amour impérissable :
Puisque ceux que vous ne voyez plus vous aiment, ils sont vivants !... puisque vous les aimez, ils vous aiment !... puisque vous leur parlez, ils vous parlent ! Ainsi donc, la preuve que vous pouvez donner au monde est aussi raisonnée et certaine que toutes les preuves sur lesquelles sont basées les sciences… Ne craignez pas, et « dites à haute voix les choses que nous murmurons à vos oreilles ».
                                                                                                                                                   Ton Pierre

 

 

                                                                                                                                                    16 mai 1921

                    Chère Maman,

     Pour avoir le véritable esprit de prière, demandez l’esprit de charité… l’esprit de l’amour pour vos frères ; car pour être dans toute sa beauté, la prière doit être prière « d’intercession ».
     Evidemment, il est légitime de tendre la main quand on a soif, ou faim, ou mal ; toutefois, la prière  personnelle n’est réellement belle que quand elle exprime le repentir et la louange. Tandis que prier pour ceux qui vous entourent… pour vos ennemis eux-mêmes… pour tous les hommes, en un mot,, c’est la prière de notre Sauveur bien-aimé, telle qu’Il l’enseignait aux apôtres et aux disciples qui suivaient ses pas : « Notre Père… pardonne-nous ; protège-nous de la tentation, donne-nous le pain de chaque jour » Comprends-tu, chère Maman, la douceur de l’amour qui fait de cette prière divine mise à la portée de la Terre, le modèle sacré, le modèle des prières spirituelles dont nos sphères sont si vibrantes et si  pleines.
     Je le dis encore : « Demandez l’esprit de charité ».
                                                                                                                                                   Ton Pierre

 

 

                                                                                                                                                    22 m ai 1921

              Chère Maman aimée,

     Si je ne te disais pas notre tendre émotion tout spécialement dirigée vers la vôtre, pourrais-tu croire mes affirmations tant de fois répétées : « notre souvenir parfait et fidèle, et la part que nous prenons aux joies comme aux peines des bien-aimés qui sont demeurés sur la terre, mais dont les âmes restent si délicatement rattachées à nos âmes ». Ces liens de l’amour immortel ne nous laissent pas étrangers à votre vie, car si, le plus souvent, nous en ignorons les détails exclusivement matériels, tout ce qui vous émeut profondément est partagé par notre amour. Dis-le, my own, dis-le à ceux que notre tendresse a suivis – et suit – sur le chemin poignant des tragédies  humaines ; oui dis-le ! « nous avons entendu toutes les prières, nous avons recueilli toutes les paroles aimantes, nous avons partagé tous les souvenirs ! »
                                                                                                                                                    Ton petit Pierre

 

 

                                                                                                                                                    23 mai 1921
    
    Ma chérie,

     Georgie a entendu l’hésitation de sa Maman qui te parlait de lui ! Vous le savez bien… Georges est toujours le même Georgie qui garde le silence sur ses sentiments les plus intimes… Georgie ne veut pas « avoir l’air d’avoir l’air… » (c’est lui qui me dicte cette phrase et vous le reconnaîtrez dans ces quelques mots que je n’aurais pas écrits en telle circonstances !) Georgie te fait dire « qu’il expliquera cela lui-même à sa Maman » et qu’il n’est pas besoin de nous pour qu’ils le comprennent. Si nous étions sur la Terre, je dirais :  « Georgie sourit avec des larmes dans les yeux ! » mais ces termes ne conviendraient que dans leur sens psychique. Georgie est ému et heureux de la tendresse si profonde qui auréole son souvenir ! C’est pour cela même qu’il ne voulait pas le dire. Maintenant il laissera parler son émotion et… sois tranquille, chérie Mienne ! sa Maman sera paisible et rassurée…

                 
                                                                                                                                                   Ton petit Pierre 

 

 

                                                                                                                                                    16 juin 1921

              Maman chérie,

     Je t ai déjà dit que vous ne sauriez comprendre les lois de la réincarnation ; c’est une obligation exceptionnelle, (bien plus que ne le disent certains d’entre vous)… mais pourriez-vous étrangler l’homme dans un cul-de-sac en fermant hermétiquement son passé ?... Voilà ce qu’il est difficile de vous enseigner, sans vous conduire au découragement devant des problèmes trop ardus encore pour votre mentalité d’enfants (au sens spirituel). D’ailleurs, que ces choses ne vous troublent point ! car vous les comprendrez ici, et rien ne sera détruit ni blessé dans votre tendresse fidèle, qui se heurterait au désespoir d’une rencontre sans recognition et sans joie, aux sphères célestes où vos bien-aimés ne seraient plus vos bien-aimés, où la mère n’ouvrirait pas ses bras tremblants d’amour, pour étreindre l’enfant retrouvé de l’autre côté du voile.
     Non ! ma petite Maman, un si navrant revoir n’est pas celui des âmes qui s’aiment ; et si Dieu nous envoie vous affirmer notre présence et notre amour, ce n’est pas pour tromper ceux dont la foi s’appuie sur les certitudes qui jaillissent de l’Evangile. Oh ! chérie, la vie terrestre est à peine un soupir devant l’Eternité… et crois-tu que ton Pierre ait cessé d’être celui qui t’aime ?... Un soupir ! et les larmes sont séchées… et les cris sont apaisés… et les deuils sont effacés !! car ceux qui se retrouvent reprennent, côte à côte leur magnifique évolution. Mais ce que vous comprenez bien difficilement, c’est que la Terre est le lieu nécessaire pour créer les amours spéciales qui unissent entre eux les hommes, et cela, pour un avenir illimité ; voilà ce que les réincarnationistes n’ont pas encore éclairci.
     Ayez confiance ! Dieu est Amour… et s’il a voulu l’amour parmi les hommes, serait-ce  pour faire naître leur désespoir dans un Ciel où se briseraient tous les liens des âmes ?... Non, non !! toute la théodicée divine, c’est l’expansion de l’Amour : « l’Amour est plus fort que la mort ; il ne périt jamais. »


                                                                                                                                                    Pierre

 

 

                                                                                                                                                    17 Juin 1921

              Chère Maman,

     Je veux ajouter quelques mots à ce que j’ai dit plus haut : Il y a pour le rationaliste une défaite fatale en perspective, parce que le rationalisme est l’obstacle à la science de Dieu, à la connaissance de Dieu. En effet,  le rationalisme ne peut expliquer, ni déterminer le sens de l’Amour, or l’Amour, c’est Dieu. « Pourquoi pas ?.. » diront peut-être les partisans de ces théories si desséchantes, qui mettent la raison au-dessus des impulsions affectives : C’est que le rationalisme, par principe, place l’invisible au rang des questions subversives et imaginaires que le déterminisme ne saurait approuver, et oppose la volonté de nier, à l’intuition subjective de la conscience des âmes. Par ce procédé il est impossible d’atteindre la connaissance de l’Amour qui, par essence, est intuitif, puisque spirituel  (évidemment, je parle ici de « la vertu la meilleure », de l’Amour, comparable à l’Amour divin.) Oh ! chère Maman, c’est dans les effluves bénis d’un tel amour, que nos âmes, libérées de la chair, comprennent enfin la véritable vocation humaine ; elles s’épanouissent dans la pureté et l’infinie charité qui ressemblent à celles du Fils de l’homme, notre Jésus, File de Dieu.
     Le rationalisme, qui tend à établir la raison comme justificatrice de toutes ses thèses, ne peut pas se soumettre à l’impulsion (tout à fait impondérée aux regards d’un positiviste) de cette  influence psychique qui n’a pas de limites connues… et du reste ne peut en avoir, même sur la Terre. De sorte que le rationalisme refuse à l’Amour spirituel le droit de cité devant la science. Mais nous, ici, nous affirmons que la connaissance de l’Amour  spirituel est la seule science immortelle, dont la variation unique est son prodigieux élargissement qui la conduit jusqu’à Dieu. Tout l’effort du rationalisme ne peut se terminer que par un échec, du fait qu’il admet une seule conclusion déterminante aux recherches humaines, en conglobant pour les approuver, uniquement les raisons objectives à l’exclusion des objectives. Mais la destinée de l’homme est d’aimer… d’aimer en esprit (car l’homme est esprit) et le rationalisme s’effondrera enfin sous le poids de ses propres arguments, trop matériels pour suivre l’envolée de l’âme, fille de Dieu.
                                                                                                                                                    Pierre