Tes écrits
Tu avais beaucoup d’imagination mais aussi tu avais un œil critique sur les évènements qui se passaient autour de toi. C’est ainsi que lorsque tu en avais le temps, tu aimais à raconter de brèves histoires en partant souvent de faits réels, d’un épisode de ta vie que tu racontes à ta manière… d’observations dans le métro, dans la rue etc…
Tu aimais aussi te plonger dans le fantastique alimenté sûrement par tes lectures…
Ci-dessous une belle histoire que tu as écrite en 99 et à laquelle tu as apporté des corrections en 2000.
Je voudrais rappeler ici que tu nous as quittés un mois de juin…
SERESSA 13 septembre 2000
"De part ces fleurs de Sérissa, je scelle à jamais notre amour. Ne sois plus triste et sache que je serai toujours avec toi..."
Après avoir posé machinalement la lettre sur la table basse, il s’assit sur le canapé et mit sa tête entre ses mains. Encore une fois, il ne put retenir ses larmes et il pleura d’un chagrin qu’il n’avait jamais ressenti jusqu’alors. Une question s’imposait à son esprit et elle se résumait en un seul mot : pourquoi ?... Ce mot tournait sans cesse dans sa tête. Il resta un long moment prostré dans cette position sans bouger, et son esprit se vida peu à peu…
Il faisait sombre, il avait des difficultés à voir. Il pensait être dans une forêt car la lumière transperçait faiblement quelques arbres. Après quelques instants, ses yeux s’habituèrent à cette obscurité et il reconnut l’endroit. C’était une partie du parc près de chez lui où il aimait à se reposer pour tout oublier quand il était fatigué. Mais pourquoi était-il là ? Il n’eut pas le temps de réfléchir à la question car il voyait à l’entrée une personne lui faisant signe de venir. Il se sentit comme poussé et se dirigea vers elle. Il était trop loin pour distinguer quelque détail que ce soit d’elle, si ce n’est que sa démarche lui rappelait quelqu’un. Il la suivit difficilement dans les ruelles qu’elle paraissait mieux connaître que lui. Quand il se retrouva face au port de la ville, il se mit à courir pour essayer de la rejoindre, et plus il se rapprochait d’elle, plus son cœur se mettait à battre à tout rompre.
Il la voyait complètement de dos. Elle avait de longs cheveux bruns tenus par un petit élastique, ses vêtements étaient d’un blanc immaculé et ses mouvements souples ne paraissaient pas être régis par les lois de l’apesanteur. Elle était irréelle.
Il prit son bras et elle se retourna…
Il se réveilla brusquement tout transpirant. Il n’avait pas vu son visage mais il savait qu’il avait rêvé d’elle. Qui d’autre aurait-il pu espérer revoir ?
Il était seulement 5h30 du matin et le soleil, même si on était en juin, ne s’était pas encore levé. Il ferma les yeux pour reprendre ses esprits puis se leva et regarda en direction du Sérissa qui avait encore donné des fleurs blanches. Deux étaient tombées sur son portrait.
Cette photo le ramena un peu plus de deux ans en arrière. Ce matin-là, il se retrouva dans une conférence sur les métiers de la chimie qui était ouverte aux étudiants de tout niveau. Il s’était assis en bas de l’amphithéâtre complètement à gauche, collé au mur.
Il aimait beaucoup cette place car en se retournant cela lui permettait de voir toute l’assistance. Cinq minutes après le début de la conférence, il se retourna comme à son habitude, et cette fois-là il ne put décrocher son regard du quatrième rang de la salle, car elle était là, attentive au professeur qui parlait. Lui, il ne l’entendait plus. Il était ailleurs. Comme si elle avait senti son regard pesant, elle chercha à regarder de son côté mais il ne sut jamais si elle avait fait attention à lui car il avait détourné son visage par crainte de sa réaction.
Il partit pour marcher et ses pensées vagabondèrent. Quelques mois après la conférence, ils s’étaient retrouvés côte à côte, et elle avait lancé la conversation avec lui. Une amitié était née entre eux et ils se retrouvaient régulièrement pour discuter des passions qu’ils avaient en commun.
A la fin de l’année dernière, ils avaient prévu d’organiser une petite soirée pour fêter le début des grandes vacances et le passage, pour eux deux, en classe supérieure. Elle avait décidé de l’emmener dans un petit pub irlandais. Il avait eu peur qu’elle soit accompagnée de sa meilleure copine comme c’était trop souvent le cas. Mais que pouvait-il dire sans dévoiler un peu de son secret ? Ca jour-là, elle était venue seule. Ce fut sûrement le plus beau jour de sa vie. Entre les quelques animations du pub, où dans ces moments, il aimait à regarder son visage s’illuminer à la vue des spectacles, ils avaient pu discuter, et pour une fois, c’était surtout elle qui avait pris la parole. Elle lui avait parlé de sa famille, de la complicité qu’elle avait avec ses deux frères et beaucoup d’autres choses qui le toucha car c’était la première fois qu’elle se livrait autant. Elle lui parla aussi beaucoup de ses espoirs quant aux recherches qu’elle aimerait mener une fois sa thèse achevée. Ils faisaient tous deux des études de chimie, mais lui avait deux ans de différence avec elle et il comptait s’arrêter en fin de troisième année. Ce soir-là, il aurait pu tout lui dire mais par leur différence de cursus et son assurance, il s’était senti indigne d’elle. Il était timide, de cette timidité maladive qui l’avait empêché et fait repousser toujours l’instant où il lui aurait dit ces quelques mots : « Je t’aime ». C’était une des phrases les plus courtes dans la langue mais qui lui aurait permis d’exprimer tous les sentiments qu’il ressentait quand il pensait à elle.
A la fin de la soirée, ils se quittèrent dans de grands éclats de rire comme de vieux amis, mais encore une fois, rien de plus…
Maintenant c’était trop tard…
Elle était décédée. Elle était atteinte d’une maladie incurable depuis quelques mois. A son grand désespoir, il n’avait pas été au courant. Lui qui croyait savoir tant de choses sur elle, ignorait même cela. Le sachant, peut-être lui aurait-il dit ce qu’il ressentait…
Dans la lettre qu’elle lui laissa, elle expliquait pourquoi elle ne lui avait jamais rien dit, car elle savait qu’elle allait mourir un jour ou l’autre, et elle espérait qu’il rencontre quelqu’un d’autre. Elle, à sa différence, était arrivée à lire dans son cœur, et savait qu’il l’aimait et elle lui dit que c’était réciproque. Mais ce secret, ajouta-t-elle, ne pouvait être gardé au-delà de la mort.
Avec la lettre et son portrait, elle lui avait donné ce auquel elle tenait le plus, son bonzaï : « Sérissa ». Ce nom signifie « Neige de Juin » et donnera, d’après ce qu’elle avait écrit de sa frêle écriture, des fleurs blanches toute l’année pour lui insuffler l’espoir d’une vie future sans elle. Mais il se demandait comment cela pourrait être possible…
En partant, il avait pris machinalement les fleurs qui étaient tombées sur son portrait et il les protégea délicatement dans la paume de sa main. Il se retrouva face au cimetière où elle reposait désormais. Devant sa tombe, il ouvrit sa main et laissa tomber les quelques fleurs juste au bas de son nom gravé à jamais sur la stèle. A cet instant, il ressentit une douce chaleur dans tout son être et quelque chose dans son for intérieur se transforma. Il savait maintenant que plus rien n’allait être pareil. Son amour se sublima et après quelques secondes, la chaleur s’estompa doucement de tout son corps. Il n’y avait que dans une petite partie de son cœur que cette sensation qui resterait présente à jamais.
Il ressortit du cimetière pour aller vers le parc. Là, un sourire se dessina doucement sur son visage quand il vit l’aube d’un nouveau jour se profiler dans un ciel d’été naissant.
« FINIS » (fin en latin)
(Ci-dessous, un exemple de ton humour ! ...)
MANQUE D’IMAGINATION
Quel malheur !
FIN
LE FUTUR : CET INCONNU
Chambre de réanimation dans un hôpital parisien
Mardi 8 juillet 1997 – 0h23
Ce n’est pas possible, il n’est pas minuit ! J’étais sûr qu’il était au moins 4 ou 5 heures du matin ; la nuit est interminable !...
J’ai mal. Cette douleur dans le dos est insoutenable, je n’en peux plus. Comment se fait-il qu’ils ne voient pas que la pompe ne fonctionne pas ? En plus, je leur ai signalé. Même maman a lu ce que j’avais écrit mais elle m’a assuré que ça marchait. Ca ne me faisait pas aussi mal la semaine dernière lors de la première intervention. De plus, avec ce foutu tube dans la gorge qui me semble énorme, je ne peux pas leur dire de vive voix. Mais pourquoi suis-je conscient ?!
Oh non, l’infirmier qui blaguait trente secondes avant avec trois infirmières revient déjà, et il va encore faire je ne sais quoi : il enlève le tube qui me relit à un appareil à gauche et c’est à ce moment-là que je commence à suffoquer. Ensuite, il met quelque chose dans ma gorge comme s’il lavait l’intérieur des poumons avec un liquide qu’il aspire ensuite. C’est la première fois qu’il me demande si j’étouffe ! Bien sûr, j’ai envie de lui crier de me laisser tranquille. Je fais un signe négatif. Ca pourra bien attendre…
Il est reparti, et je suis seul dans cette chambre blanche. A gauche, il y a un écran qui n’arrête pas de bouger et d’inscrire de nouvelles données ; ça doit me concerner sinon pourquoi il serait là. Mais je n’en ai rien à faire, c’est simplement pour essayer de penser à autre chose. Ca marche deux minutes mais ensuite je recommence à me focaliser sur la douleur. Je veux dormir. Je ne veux plus avoir mal et ne plus étouffer. Maman paraissait inquiète tout à l’heure dernière le masque qu’elle avait sur le visage. Je n’ai vu que ses yeux mais c’est suffisant … Heureusement qu’elle ne sait pas ce que je suis en train de vivre ! Ce qui est étrange, en y pensant, c’est qu’un gars comme moi puisse subir d’aussi grosses souffrances sans tomber dans les pommes. Comme ce serait bien ! Ou sinon, j’aimerais bien que mon esprit se blottisse dans un petit recoin du cerveau où je ne ressentirais plus rien…
C’en est trop, j’en peux plus, tous ceux qui pensent que je suis quelqu’un de courageux se trompent. Je subis sans rien dire, point ! Bon, il doit bien y avoir quelque chose à faire. Je viens de faire un mouvement avec le bras, on va voir ce qui se passe… J’étouffe, il va bien falloir qu’ils arrivent. C’est étrange, je ne ressens plus rien. J’entends une alarme et l’infirmier crie que la personne dans la chambre 23 s’est desintubée. Oh, je suis en train de voler, je fixe quelqu’un devant moi, on s’affaire autour de lui, il a les yeux mi-clos, il me rappelle les jeunes sur les photos des camps de concentration que j’ai vues dans les bouquins d’histoire. A côté de son visage, il y a un tube, largement plus fin que je ne l’aurais pensé, et les infirmiers sont en train de le manipuler pour le remettre dans sa bouche ; avec leurs gestes précis, pas de doute, ils vont y arriver. Je ne me leurre pas, je sais que ce gars, avec cette trombine, c’est moi, mais ce n’est plus mon problème, je n’ai jamais été aussi serein. Pendant qu’ils s’affairent autour de mon enveloppe charnelle, je vais aller dans les pièces d’à côté.
Il n’est pas facile de voler ! Pourtant, dans les livres traitant de NDE, les gens peuvent voir leurs proches dans les locaux à proximité de la salle de réanimation ; c’est juste s’ils ne vont pas leur parler pour les rassurer. Je ne dois pas avoir la technique, je suis au ras du sol et je me balade à la hauteur d’une souris. C’est dommage, ce n’est pas très pratique pour voir ce qui se passe dans les pièces. En plus, je suis tombé sur un couloir circulaire, il y a une pièce principale au centre, ça doit appartenir aux infirmiers et autour il y a les chambres.
Flûte ! Je me sens reculer ! Non, pas déjà, ils sont trop forts ces gens-là ! Laissez-moi m’amuser encore un peu ! Me revoilà dans ma chambre, je ne suis plus trop loin de ce corps dans lequel je ne désire plus aller. Je suis bien à l’extérieur ! Et je ne souffre pas ! Fausse alerte, les infirmiers recommencent à s’acharner. Doucement les amis, je suis là, vous ne me voyez pas ? Comme tout à l’heure, je vole, mais cette fois je me retrouve au plafond, super, je passe à travers, un, deux, trois étages, je suis au-dessus de l’immeuble.
C’est magnifique ! Je vois la tour Eiffel, elle est encore éclairée. Il n’y a pas à dire, ça doit être l’un des plus beaux monuments construits par l’homme ! J’arrive à m’en approcher, c’est plus facile maintenant. Je suis un peu plus à l’aise, il y a des entités autour de moi qui m’observent. Si je les ignore, peut-être qu’ils feront la même chose. Me voilà sur la pique de la tour Eiffel. Et si je faisais un petit tour du côté de Montmartre ? C’est l’endroit idéal pour ce genre de situation. Ca a toujours été un coin qui m’a plu .pour sa vue sur Paris. Je m’en approche. Il y a encore des personnes qui déambulent sur les marches. Il y a même un peintre qui est en train de croquer une jeune femme. Je la connais. C’est… zut, comment s’appelle-t-elle déjà ?... Ah oui, c’est Annie, mais, à côté, ça ne peut pas être Antoine, et pourtant c’est lui ! J’observe maintenant Annie, à la même distance que lui. Pour la première fois, depuis que je suis dans cette situation, je me demande si je ne suis pas vraiment mort. Ce sera çà la vie après la vie ? Une balade solitaire à côté du monde des vivants ? Une certaine angoisse m’envahit. Je m’éloigne du couple plus qu’étonnant et je scrute le ciel. Une étoile attire mon attention, elle est plus claire que les autres.
Tout devient noir autour de cette lueur…
J’avance dans ce long tunnel, où plutôt, je suis attiré par celui-ci. Au bout, la lumière grandit peu à peu… Autour de moi, il y a de nombreux « êtres ». Les mots me manquent pour les décrire. Ils n’ont pas de formes humaines, ce serait plutôt des formes indéfinies, translucides. Certains de ces êtres semblent prendre le même parcours que moi et d’autres ne paraissent pas bouger. Quand je suis plus près de l’un d’eux, je ressens les sentiments qu’il éprouve. C’est même plus que des sensations, c’est comme si c’était moi qui pensais. Un de ces êtres est une fille de 20 ans qui venait de faire une tentative de suicide en prenant une surdose de médicament sur un coup de tête. Elle était en train de se remémorer les bons moments qu’elle avait passés dans sa trop courte vie. Elle avait un sentiment de culpabilité comme je n’en avais jamais ressenti. Je me détourne d’elle. Je me sens serein, un petit quelque chose me dit que ce n’est pas possible que ce soit déjà fini. J’ai pas vu, entendu, ressenti, appris, lu assez de choses... J’allais bien le savoir de toute façon, il me suffisait de rejoindre cette intense lumière qui était toute proche de moi.
Me voilà au bord de cette lumière, que dis-je, de ce soleil, tellement la clarté émise par lui irradie tout ce qu’il y a autour. Le plus impressionnant est que l’on peut la fixer sans fermer les yeux. Je vois deux êtres qui s’approchent. Une grande bonté émane d’eux. Je les reconnais : c’est Mamie Sylvie et Oncle Marc. Quand ils sont assez proches de moi, ils commencent à me parler par ce que l’on peut nommer, télépathie. Je remarque que je suis incapable de lire dans leur esprit, mais avec leur façon de me rassurer, ils doivent pouvoir le faire pour moi. Un seul mot me vient à l’esprit : heureux. Je suis heureux de leur « parler ». Ils m’ont devancé sur la question fatidique du retour et me disent que je dois retourner sur terre. Cela brise quelque chose en moi, mais je sais que ma réponse doit être positive. Durant cette fraction de réflexion, des images de ma famille et de mes amis me sont passées dans l’esprit. J’aimerais rester mais je sais qu’il ne le faut pas. Ils acceptent ma décision. Je ressens, venant d’eux, un peu plus de chaleur à l’intérieur de moi. Ils me parlent d’une mission et de l’aide qu’ils pourront m’apporter mais je ne me rappelle plus ce que c’est. Peut-être un jour…
Ce n’est pas grave, en pensant à eux, je suis tout simplement heureux car je n’ai plus peur du futur…
~ FINIS ~
SURTOUT N'OUBLIE PAS !
20, 21 et 28 mars 1999
Il sortit de l’ascenseur et comme il arrivait près des locaux de la gardienne, il espérait ne pas la croiser. Ce n’est pas qu’il ne l’aimait pas mais elle posait toujours les questions qui embarrassent. Comme il s’apprêtait à sortir, il la vit laver les vitres consciencieusement. Il se demanda ce qu’elle allait encore lui dire…
- Bonjour Jeanne, lui dit-il. Il n’aimait pas l’appeler par son prénom, mais elle avait insisté en lui disant que c’était plus convivial.
- Bonjour Pierre, comment ça va ? demanda-t-elle avec un petit air soupçonneux dans la voix dont il fit semblant de ne pas remarquer.
- Très bien, merci,dit-il en s’éloignant.
- Et votre petite famille insista-t-elle ? Cela fait bien longtemps qu’on n’a pas vu votre femme ?
- Tout le monde va très bien (à ce moment-là il tressaillit un peu sans savoir pourquoi), je vais justement chercher Laura à l’aéroport. C’était bon, son cas n’allait pas alimenter les ragots de l’immeuble…
- Ahh… dit-elle déçue par la réponse.
Enfin il put presser le pas et se diriger vers le garage pour prendre sa voiture. Décidément, cette entrevue l’avait un peu mis mal à l’aise !
Il était un peu en avance pour aller chercher Laura à Orly, mais il était parti volontairement plus tôt pour faire un petit détour afin de marcher le long des berges de la Seine et regarder se terminer l’avant dernière journée de l’an 2000.
Il conduisit tranquillement sa voiture jusqu’au parking qui avait été spécialement aménagé à côté des voies sur berges qui, pour l’occasion, avaient été fermées. Ainsi les Parisiens et les touristes pouvaient profiter de cette belle promenade sans la crainte des voitures et savourer ces journées si symboliques pour beaucoup, et journées qui étaient exceptionnellement ensoleillées.
Là, il prit son baladeur et le sortit avec précaution de la pochette où il était rangé. Il mit ses écouteurs et décida d’écouter une de ses chansons préférées : »Dante’s Prayer » de Loreena Mc Kennitt. Il aimait cette chanson car, pour lui, c’était celle qui lui permettait le plus de s’évader de toute cette effervescence qui parcourait le monde entier depuis 3 mois environ.
Voilà une minute qu’il l’écoutait et le piano se mit à jouer d’un air mélancolique. C’était le passage qu’il préférait, quand les chœurs hongrois s’arrêtaient et que le piano commençait … Il se sentait bien et serein. Rien ne paraissait pouvoir enlever cet instant de bonheur comme si le temps venait d’interrompre sa course infernale. Juste au moment où Loreena chantait son avant-dernier « Please remember me… » et que les chœurs hongrois reprenaient leur chant, une idée lui traversa l’esprit et lui fit perdre la fin de la chanson ! Pourtant sa femme lui avait bien recommandé de ne pas oublier cela…
Tout d’abord, il essaya de ne plus penser à ça. Après tout, peut-être que tout était bien et qu’il n’avait commis aucune erreur. Mais, malgré tout, quelque chose s’insinuait dans son esprit et impossible de retirer ce doute… Il se rappelait que cette situation lui était déjà arrivée à plusieurs reprises mais qu’à chaque fois son idée s’avérait fausse, alors pourquoi s’inquiéter ?
Il décida malgré tout de retourner à l’appartement. Il avait toujours de l’avance sur l’horaire prévue pour aller chercher Laura à l’aéroport, et de plus l’avion était rarement à l’heure.
Il reprit sa voiture plus rapidement que prévu, dommage, fini la flânerie et le rêve…
Il serait très vite sur les lieux puisque quelques kilomètres seulement le séparaient de l’appartement. Mais c’était justement ce jour-là qu’il prit tous les feux rouges !!!
Alors qu’il était arrêté à un feu il se remémorait une sorte de loi que lui avait appris un ami il y a plusieurs années alors que le sort s’acharnait sur eux. Son ami appelait cela « la loi de Murphy » et il se rappela à peu près les termes de cette loi : « S’il y a plusieurs façons de faire quelque chose, et que l’une peut aboutir à une catastrophe, alors quelqu’un la choisira. » Ceci ne fit qu’augmenter son anxiété et dans sa tête il imaginait les pires scénarios qui pouvaient arriver…
Heureusement, il approchait. Il s’apaisa mais ce fut de courte durée quand il vit que plusieurs camions de pompiers allaient dans la même direction que lui ! Et effectivement, quand il arriva dans sa rue, trois camions étaient déjà sur place, en face de son immeuble. Plus de lumières sur la façade, tout était noir ! Il se gara le plus vite qu’il put et essaya de se frayer un chemin entre les badauds qui regardaient le « spectacle ».
Il arriva tout près d’un camion de pompiers. Il interpella l’un des pompiers qui paraissait diriger les opérations.
- Excusez-moi, il y a un problème ? Que ce passe t’il ? J’habite dans cet immeuble.
- Non, ce n’est rien monsieur, nous faisons juste un exercice d’entraînement dans la perspective de demain au cas où il y aurait une panne générale d’électricité répondit calmement le pompier voyant de l’anxiété dans les yeux de Pierre.
- Ah, d’accord, merci beaucoup, dit-il, soulagé.
Le pompier ajouta alors : « Monsieur, juste une petite chose : la prochaine fois, pensez à lire le courrier que nous laissons à tous les habitants du quartier, cela vous évitera la peur que vous avez eue tout à l’heure. »
- Merci pour le conseil, répondit Pierre en se mordant la lèvre.
Il partit tout de même rapidement vers l’ascenseur. Il appuya sur le bouton étage 23. Quand la porte de l’ascenseur se ferma, il entendit la voix de la gardienne qui demandait ce qui se passait. Il n’eut plus qu’à attendre ! Que tous ces étages sont longs à monter, pensa-t-il, quand on est pressé ! 21, 22, 23, ça y est, il était arrivé. Il prit à gauche dans le couloir et arriva devant la porte. Tout paraissait calme, cela le rassura un peu, et pourtant une certaine anxiété se mêlait à son impatience.
Il ouvrit la porte.
Quand il fut dans le hall de son appartement, tout avait l’air calme, pas d’odeur de « cramé » pas de bruit anormal… Il était rassuré. Le programme du lave-linge venait de se terminer, les plaques électriques de la cuisinière étaient bien toutes éteintes, la cafetière id°, tout allait bien alors ! Non, il n’avait rien oublié !
Mais d’où venait donc toute cette inquiétude qui l’avait fait se presser à revenir chez lui ?
Quand il quitta l’ascenseur, un sourire se dessina sur son visage et il se promit de garder toute cette histoire pour lui… Durant le trajet qui l’avait ramené chez lui, il avait imaginé les pires scénarios aussi catastrophiques qu’invraisemblables et autant le dire, l’immeuble en feu par sa négligence. Oui, vraiment, il se sentit ridicule mais également content que son idée se soit à nouveau avérée fausse surtout que Laura lui avait fait ses recommandations pendant son absence.
Dorénavant, il ferait des efforts pour se calmer et arrêter de penser qu’il a oublié de faire telle et telle chose. Pas difficile de prendre cinq minutes avant de partir et de passer en revue chaque pièce pour voir si tout est OK !!!
~ FINIS ~
COUPABLE
J’avais manqué la correspondance pour revenir chez moi, c’était la première fois que cela m’arrivait depuis que j’allais à mon boulot de l’autre côté de Paris. Ce n’était pas grave, une autre correspondance n’était pas très loin. La raison de cette inattention se rappela à mon bon souvenir et la culpabilité qui m’avait envahi le matin remonta en moi. Alors que je pestais intérieurement sur mon action injustifiée et puérile, le métro s’arrêta à la station « Concorde ».
Je n’avais jamais fait attention aux lettres qui étaient incrustées sur chacune des dalles en faïence qui formaient une grille comme dans le jeu où le but est de retrouver des mots à partir d’une liste. Mon regard ne put s’empêcher de chercher si la suite des lettres pouvait aussi former des mots tout en me disant que si c’était le cas, certaines personnes auraient-elles l’idée d’utiliser une bombe pour barrer les mots ainsi trouvés. Mais cette idée ne resta pas longtemps dans mon esprit car le premier mot qui se forma me glaça. En toute lettre, il y avait marqué sur les murs de la station : COUPABLE. Quelques secondes plus tard, le métro avait quitté la station mais je savais que je n’avais pas rêvé, ça ne pouvait être que le destin qui me transmettait ce message même si ça faisait longtemps que je n’y croyais plus...
Ensuite, tout s’accéléra dans ma tête, je rejoignis au plus vite mon autre correspondance, et comme c’était prévisible (un malheur n’arrive jamais seul, comme on dit !), la ligne de métro eut un problème technique et je fus obligé de faire à pieds la dernière partie du parcours pour rejoindre mon appartement. J’arrivai en sueur chez moi et ma copine était, bien entendu, déjà rentrée. Quand elle me vit essoufflé et livide, elle commença à s’inquiéter pour moi.
Avec les toutes dernières forces qui me restaient je pris une grande inspiration et je lui avouai mon forfait : " Faut que je te dise quelque chose, j’ai menti pour ce matin, c’était bien moi qui avais fini le pot de Nutella !... "
~ FINIS ~
DLM...
Je me suis mis à parler tout seul…
Ca m’a pris comme ça… Trop d’idées me traversaient l’esprit, il y avait trop de pression dans ma boîte crânienne, je ne savais plus quoi faire et je me suis mis à parler…
Comment en suis-je arrivé là ? Justement c’est la question que je suis en train de me poser tout haut… En plus, je fais ça dans le métro, à choisir, j’aurais préféré parler tout seul chez moi, il n’y aurait pas eu autant de regards fuyants et suspicieux… Maintenant que j’y suis, j’ai envie de gêner encore un peu plus, en particulier le gars en veste qui se trouve juste en face de moi… Je sais ce que je vais faire…
- Monsieur, oui, vous… Il lève légèrement la tête, c’est bon, j’ai son attention…
- Vous savez, je peux lire dans vos pensées, ne me regardez pas avec cet air interrogateur, je vous assure que là, je sais ce que vous pensez, beaucoup d’idées vous traversent l’esprit, vous vous demandez ce que vous avez fait au ciel pour vous retrouver en face de moi, vous calculez combien de stations il vous reste et si vous devez faire semblant de partir pour, en réalité, monter dans la rame d’à côté, quitte à attendre le métro suivant si vous n’êtes pas assez rapide et puis…
- Monsieur, s’il vous plaît ?
Flûte, il m’avait semblé avoir entr’aperçu un uniforme, et effectivement, un flic vient vers moi avec un drôle de regard, je le fixe, je sens que je ne vais pas pouvoir finir de m’amuser… Il se remet à me parler :
- Monsieur, ça va ? Vous avez bu ? Il n’y a personne devant vous…
- Comment ?
- Mais oui, voyons…
Mon regard revient vers le type à la veste que je n’avais plus dans mon angle de vision, trop attentif à l’arrivée du flic. Mais que lui arrive-t-il ? Il me semble être resté en suspend, à moins qu’il soit suffisamment attentif pour ne pas bouger, je ne sais pas, mais ce n’est pas possible qu’il n’ait pas été réel… Il reste une solution…
Je me retourne vers le flic :
- Et si c’était vous qui n’existiez pas ?...
~ FINIS ~
LE JEU D'ECHEC
Août 2001
Pourquoi avez-vous retrouvé ce jeu d’échec ? N’importe quel autre vrai jeu d’échec m’aurait fait un immense plaisir, mais rien comparé à celui-ci. Je sais que vous n’avez pas compris les larmes de votre grand-père quand il a ouvert le paquet mais elles étaient justifiées tellement l’émotion était forte. Et même, si je n’ai pas pu vous donner d’explications de vive voix, je vous dois cette lettre qui vous parviendra quand j’aurai quitté cette existence.
Cette histoire s’est passée dans l’année de mes vingt-cinq ans, il y a un peu plus de soixante trois ans. J’avais eu mon diplôme d’ingénieur quelques semaines auparavant. Enfin, nous avions eu ce fichu papier entre nos mains comme le pensait la majorité de mes condisciples.
Grâce à lui, je savais que mon avenir était assuré. Et pourtant, depuis son obtention, je remettais en cause nombre de mes choix que j’avais faits sept ans plus tôt. C’était comme si je sortais d’un tunnel, et je me demandais si je n’y avais pas perdu les plus belles années de ma vie ! Et le pire, c’est que je me posais quand même quelques questions : un travail, oui, mais lequel ? En particulier, allait-il m’apporter la satisfaction ultime qui me ferait me lever de bonne humeur tous les matins ? Hélas, la suite me prouva que ce n’était pas le cas… C’est là qu’il m’arriva un petit évènement, lequel bouleversa ma vie à jamais.
Je marchais sans but dans les rues de Paris pour faciliter mes réflexions jusqu’au moment où je me suis retrouvé devant la vitrine d’un antiquaire qui vendait tout et n’importe quoi en objets anciens. Et mes yeux s’arrêtèrent sur un jeu d’échec qui me rappela immanquablement celui de mon enfance, quand j’allais chez mes grands-parents. Petit, ce jeu m’avait souvent fasciné. Pourquoi ? Je ne pouvais le dire, mais, à l’époque, il allait parfaitement avec l’ambiance de cette vieille maison qui appartenait à mes grands-parents. Et même si je me faisais battre à toutes les parties presque sans exception, j’aimais toucher ces vieilles pièces en bois. Je ne pus donc faire autrement que de l’acheter malgré son prix qui était trop élevé pour un étudiant fauché, car tout juste sorti d’école.
Tellement heureux de mon acquisition, je me suis attablé dans le café le plus proche pour sortir cérémonieusement toutes les pièces de mon jeu et surtout pour savoir si celles-ci ressemblaient à celles de mon enfance encore si présentes dans ma mémoire. Alors que je finissais de poser l’ensemble des pièces, ravi de constater sa ressemblance avec mes souvenirs, c’est là que je la vis, et qu’elle-même tourna son regard vers moi. Elle s’approcha, regarda le jeu d’échec, et quand je vis ses yeux se fixer dessus, les miens suivirent machinalement la même direction. C’est là que j’eus ce que l’on pourrait dire, une vision, ce que d’autres appelleraient de manière péjorative, une hallucination…
Un voile noir passa devant mes yeux et c’est alors que je continuais de voir ce jeu d’échec, mais je n’étais plus attablé dans le bar, mais dans une grande bâtisse, vraisemblablement la mienne. Quant à la jeune fille du bar, elle était là, assise devant moi, avec une attitude boudeuse. Elle semblait un peu plus âgée, ce qui était peut-être également mon cas, je ne sais pas. Ce qui est sûr, c’est que c’était la fin d’une partie d’échec, et que mes pions noirs étaient en ordre pour gagner cette partie sans grande difficulté semblait-il. Ce qui fut le cas ; je n’entendais rien, mais comme je relevai la tête, je la vis mais cette fois avec un visage déformé par le masque de la peur teinté d’affolement. Tout s’accéléra, et à la scène suivante j’assistais, impuissant, à ma propre mort.
Puis je revins à moi. Ses mains étaient posées sur le dossier de la chaise depuis un certain temps qu’il m’était impossible de définir. Durant une fraction de seconde, je me demandais si elle avait vu la même chose que moi, un peu plus, un peu moins ? Que m’était-il arrivé ? D’autres questions m’avaient submergé, questions dont je ne peux évidemment pas me souvenir aujourd’hui. Au moment où j’allais ouvrir la bouche pour parler, elle me sourit et me dit tout naturellement que je lui devais une revanche… Elle ne me laissa pas le temps de répondre et tira la chaise pour s’asseoir devant moi et les pions blancs. J’étais assez dubitatif, ne savais pas trop quoi dire ou faire et j’aurais voulu au moins savoir ce qui l’amenait, là, en face de moi. Déjà elle avançait son premier soldat, laissant mes questions au bord des lèvres, un peu amusé, mais beaucoup surpris !!! Elle avait la tête rivée sur le jeu et elle semblait totalement concentrée au mouvement que mes pièces pourraient effectuer. Je me mis donc à jouer à mon tour et la partie fut bien plus intéressante et intense que je ne l’aurais imaginé. De plus, je n’ai jamais retrouvé ce sentiment de connaissance profonde et propre aux techniques à utiliser dans une partie. Je me sentais rempli de connaissance de jeu, presque infaillible. Mais c’était sans compter avec l’intelligence de jeu de mon adversaire ! Bien que je me fusse battu jusqu’au bout, que je développais toutes les combinaisons possibles pour riposter à ses attaques, je ne pus que m’incliner. Quel panache ! Quelle maîtrise ! Rien ne pouvait la contrer, elle restait impassible, les yeux rivés à chacun des pions, sachant exactement où elle allait les poser. Cette fois, elle avait sa revanche. Je me demandais combien de temps avait duré cette partie, tant elle avait été intéressante ; une éternité, si une telle norme de mesure pouvait exister sur cette terre…
La partie terminée, nos regards se recroisèrent, et ma partenaire semblait absolument radieuse. J’allais également me laisser emporter par cette joie communicative, quand son attitude se transforma en une sorte de mélancolie cependant teintée d’une lueur d’espoir que je pouvais distinguer dans ses yeux si « causants ». Sans aucune explication, je sus que je devais la laisser partir, car, pour une raison dont j’ignore encore la cause aujourd’hui, nous ne devions plus nous revoir au cours de cette existence.
Effectivement, elle se leva quelques secondes après, et en partant, sa main frôla mon visage, et dans un souffle, elle me dit qu’elle n’oublierait pas qu’elle me devait une belle. Ne sachant que penser, pas mal déstabilisé, je ne pus la suivre du regard quand elle tourna les talons pour s’éloigner de moi. Je savais très bien que cette rencontre était la première et la dernière et que je ne connaîtrais jamais son nom
Je ne la revis pas. Et cet évènement, après un moment d’abattement, me fit reprendre confiance en moi et en même temps dans l’existence. Au fond de moi, je me plaisais à croire que le fait d’avoir croisé cette personne n’était pas dû au simple hasard. En fait, je pensais que chaque rencontre faite dans notre existence faisait partie intégrante de notre cheminement vers l’avenir. Et cette rencontre trop brève et pourtant qui me semblait une éternité durant cette partie d’échec, me confirma dans la justesse de mes choix, à savoir, que ce jour-là, mon chemin m’avait amené dans ce bar pour y rencontrer cette personne si énigmatique avec laquelle j’avais fait un bout de chemin dont je me souviendrais toute ma vie.
Et voilà qu’au crépuscule de ma vie, après avoir perdu ce jeu d’échec lors de mon voyage vers la lune, vous m’offrez l’objet qui m’est le plus cher au monde et lequel j’étais persuadé ne plus jamais revoir. Maintenant, vous comprenez mieux l’intense émotion qui m’a submergé.
Et même si la mort, ce soir, me fait peur à cause de son inéluctabilité, j’ose espérer que ce que j’ai vécu était bien réel, aussi réel que ce jeu d’échec que j’ai devant les yeux. Et qui sait, je la reverrai sûrement dans ma prochaine existence et nous pourrons enfin faire notre belle ! J’en suis sûr puisqu’elle me l’a promis. Et peut-être aussi pourrai-je en savoir un peu plus sur elle ?
Il reste seulement un détail qui me troublera jusqu’à cette partie : comment ferons-nous dans un avenir toujours plus technologique, pour trouver un aussi vieux mais bien réel jeu d’échec ?
~ FINIS ~
UNE LUEUR DANS L'OBSCURITE
Août 1999
« Dans la nuit, il ne sert à rien de se plaindre de l’obscurité, il vaut mieux être content de voir la petite lumière qui brille au loin. »
Proverbe chinois
- Allez, s’il vous plaît, un peu de silence. Vous voulez que je vous raconte cette histoire, d’accord, mais je la commence maintenant, dit Christian un peu excédé, lui qui aimait le calme et le silence.
- C’est bon, vas-y, nous sommes tout ouï ! dit l’un de ses amis.
- Je vous l’ai déjà dit mais je me répète : ne vous moquez pas de moi quand j’aurai fini l’histoire, même si certains d’entre vous, qui me connaissent, allez peut-être être étonnés. Bon, voilà, ça s’est passé ainsi.
Tout a commencé une nuit. Un de mes rêves va plus me marquer que d’habitude, peut-être à cause de l’ambiance générale de ce rêve. Voilà ce dont je me rappelle : j’ouvre les yeux, il fait très sombre, assez pour que je ne puisse rien distinguer autour de moi et il me semble que je suis entouré de brouillard, je le sais, non pas parce que je le vois, mais je sens qu’il s’imprègne dans toutes mes pores.
J’oubliais de vous dire : j’étais allongé et de plus, quelque chose m’oppressait. Je me lève donc pour voir autour de moi, mais je ne distingue rien, comme si c’était le vide complet, le néant. Vous vous en doutez sûrement, mon cœur commence à s’accélérer, puis, peu à peu je m’habitue à cette obscurité. Tout se matérialise et je commence à me rendre compte que je suis dans une forêt. C’est à ce moment-là que je vois une faible lumière, comme une tache dans cet horizon noir sans fin.
Bien sûr, j’essaie de me rapprocher, mais dans un rêve tout n’est pas si simple et une lueur qui paraissait proche semble ne jamais s’agrandir au fur et à mesure qu’on avance. Mais, peu à peu, je me rends compte que cette lumière ressemble à un feu car elle scintille de manière irrégulière. Au bout d’un certain temps, j’arrive dans cette clairière et je m’approche si près du feu que je pourrais presque le toucher.
J’étais tellement obnubilé par la lumière intense qui se dégageait que je ne me rendis pas compte que juste à côté il y avait quelqu’un. Ce n’est que lorsque une voix féminine me dit « monsieur » pour faire remarquer sa présence que je la vis pour la première fois. Avec les flammes comme seule lumière, elle semblait une apparition sortie de nulle part, et c’est à ce moment-là, bien malgré moi, que je me suis réveillé, son visage gravé dans ma mémoire. »
- Mon rêve, me semble-t-il, s’est déroulé ainsi, dit pour finir Christian qui s’attendait à des commentaires de ses amis. Ceux-ci ne tardèrent pas…
- Attends un peu Christian ! J’ai du mal à comprendre, car si je ne me trompe pas, tu es le plus grand sceptique que je connaisse, Saint Thomas, à côté, est un amateur ! C’était Yann qui venait de faire une de ses mauvaises réflexions dont il avait le secret, même si elles avaient la caractéristique d’être toujours pertinentes. Mais il ne craignait pas que Christian ne comprenne pas ce qu’il voulait dire. En effet, il le connaissait depuis le lycée et savait à quoi s’en tenir quand il l’entendait parler. Mais à cet instant, il était très surpris et le mot était faible.
- Oui, je vous avais prévenus, mais je comprends que tu trouves cela étrange (à ce moment-là, il fixa Yann qui, pour toute réponse, fit un clin d’œil et leva son verre pour exprimer son consentement). Il reprit la parole : « Sachez quand même qu’après ce qu’il venait de m’arriver avec la perte de Sandra, j’étais prêt à croire n’importe quoi ».
- Soit, tu étais dans des conditions de réceptivité, dira-t-on rétorqua Yann, d’un ton qu’avait du mal à interpréter Christian, se demandant s’il le disait sérieusement ou au second degré.
- Donc ce rêve me réveille vers 6h00 et il me troubla tellement que je ne me rendis pas compte que je venais de passer pas moins d’une heure trente dans mes réflexions et que, pour finir, je venais de rater les transports pour aller au travail.
Ce que je trouvais bizarre, ce n’était pas seulement le fait de la rencontre, qui, en elle-même, avait été très agréable, mais c’était le reste du rêve, dérangeant, comme je vous le disais. J’étais oppressé, pas seulement à cause de la nuit, mais par autre chose que je n’arrivais pas à déterminer à ce moment-là.
Quand je me suis levé, comme la journée était de toute façon perdue, je pris la décision d’aller m’occuper de différentes affaires le matin, et, l’après-midi, j’irais faire une balade dans le bois près de l’immeuble.
Le matin s’étant passé normalement malgré ce qui me revenait toujours à l’esprit, je partis marcher en début d’après-midi comme je me l’étais promis. J’avais décidé de faire le grand tour pour me changer les idées. En temps normal, ce parcours me prend environ cinq heures.
A mi-parcours je décidai de faire une pause, comme d’habitude, sur le grand rocher pour me reposer dix minutes. Mais au lieu de me reposer, je m’endormis et me réveillai à 18h00 !
C’était bien la première fois que cela m’arrivait d’autant plus que j’avais du mal à comprendre pourquoi.
Comme nous étions en hiver, le soleil s’était déjà couché et il faisait presque nuit. Immédiatement, le rêve revint à mon esprit et j’entrepris tout d’abord de me décontracter. Malgré ma connaissance du terrain, je ne fis pas attention que j’étais entrain de me diriger vers une petite falaise sur laquelle je me cognai assez fortement. Surpris, je tombai lourdement sur le bras droit que je ne pouvais plus bouger. Flûte ! Il ne manquait plus que cela ! Comment allais-je m’en sortir ? J’arrivais quand même à me relever et au lieu de paniquer, je ressentis aussitôt la sensation que j’avais éprouvée lors de ce fameux rêve mais cette fois c’était la réalité et je compris pourquoi la tension montait irrésistiblement en moi.
Je me mis aussitôt en devoir de trouver une route, un chemin familier, ou un indice qui me permettrait de reconnaître l’endroit où je me trouvais. Je tournais en rond pendant environ 15 minutes qui me paraissaient interminables, rien ne se présenta à moi ce qui m’aurait permis de retrouver mon chemin. Le stress était vraiment à son comble, je sentais mon cœur battre au niveau de mes tempes, quand je vis au loin une très légère lueur dans l’obscurité. Je la suivis en essayant de m’en rapprocher le plus vite possible malgré la douleur de mon bras. Etait-ce mon salut ?
La suite, vous la connaissez. Heureusement qu’elle était médecin pour éviter que la fracture ne s’aggrave. Elle trouva très vite la manière de me soulager. Je n’ose penser comment j’aurais passé la nuit sans cette rencontre…Mais cela est une autre histoire… »
Pendant qu’il parlait, il n’avait pas fait attention qu’une personne venait d’entrer le plus silencieusement possible dans la pièce.
Mais quand elle mit sa main sur son épaule, il ne sursauta pas, il devina tout de suite qui était derrière lui. Il se retourna pour l’embrasser.
~ FINIS ~
POUR UN CARRE D'AS
11 et 12 décembre 2000
20 ?? / Un monde parallèle au nôtre, pas très différent…
« Monsieur Jean, je vous demande de m’expliquer ce que vous venez de faire ? J’espère que vous avez une bonne raison pour expliquer l’atomisation de la lune et le décès de 400000 personnes dont ¼ de suicides » dit le général McParson, un homme de petite stature, avec un visage qui se transformait en un museau de souris quand il cherchait une faille dans le raisonnement de son adversaire. En face de lui, comme un paradoxe, un homme de grande taille était assis sur une chaise, visiblement inconfortable, car pour la quatrième fois en sept minutes, il changea de position. Mais c’était peut-être pour d’autres raisons qu’il bougeai ainsi.
« Sauf votre respect, je ne pense pas que vous allez être satisfait de mon explication et j’aimerais… » le visage du général passa d’un rose clair à un rouge écarlate en quelques secondes et s’emporta :
« Je ne crois pas que votre position vous permette de réfléchir à quoi que ce soit, je vous demande des faits ! »
« Bon … » dit l’officier Jean au bord du désespoir. « Comme vous me le demandez, je vais tout vous raconter, je commence depuis le tout début ? »
« Allez-y, ne cherchez pas à vous défiler, il faut se dépêcher si on veut essayer de sauver quelque chose »,répondit le général d’une voix qui semblait trop calme pour son interlocuteur.
- Les Ciunaas sont donc arrivés il y a deux ans sur Terre et les gouvernements terriens ont décidé de créer des unités pour aller sur leur planète mère pour qu’il y ait un échange de connaissances équitable…
- Je sais tout çà, ainsi que les personnes qui écouteront cet enregistrement. Je sais, aussi, que vous avez été choisi pour votre ouverture d’esprit et votre capacité à réagir dans des conditions défavorables. Ce qui n’a pas l’air d’avoir été le cas ! dit McParson d’un ton ironique.
- Oui… J’ai été envoyé au mois de mars de cette année sur Ciuna avec une équipe de quatre hommes. Nous étions les cinq premiers civils à aller sur leur planète.
Nous y sommes surtout allés pour un premier contact, on ne devait rester que deux semaines, et pour commencer, voir l’évolution de leur histoire et nous, nous apportions le nécessaire pour qu’ils fassent la même chose pour la Terre.
Tout se passait d’une façon excellente, tellement bien que l’on avait décidé de rester une semaine supplémentaire.
C’est le mardi de la troisième semaine que cela est arrivé. Toute l’équipe était fatiguée, on ne s’habituait pas à leur journée de 30 heures et j’avais dit à mes hommes d’aller se coucher pendant que je resterais encore pendant quelques heures en compagnie de nos hôtes.
Comme l’échange n’était pas limitatif selon ce que l’on m’avait dit, et comme j’avais toujours un jeu de cartes sur moi, je décidais de leur apprendre à jouer au poker. Eux, ils voulurent ce soir-là que je goûte une sorte de liquide gazeux qui, selon leur terme, devait bien être assimilé par mon organisme. Je n’étais pas méfiant car jusqu’à présent ils ne s’étaient pas trompés et de plus, ils se montraient coopératifs.
- Oui, mais vous êtes un peu gonflé tout de même car on ne connaît pas encore la vraie raison de leur venue et encore moins leur psychologie.
- C’est de là que vient mon erreur, j’en conviens. J’avais trop confiance. Je ferai remarquer que c’est un trait de caractère que l’on ne m’avait pas dépisté dans mon enfance.
Où en étais-je… ah oui !! Je leur appris sur un papier les règles fondamentales du poker et ils semblaient bien les comprendre. C’était difficile avec leur physique et en particulier ce qui leur sert de visage car celui-ci est inexpressif…Impossible de comprendre leur expression corporelle, à moins qu’ils jouent sur les odeurs ou sur des sons inaudibles pour l’oreille humaine mais tout à fait possibles pour eux… Mais là est un autre problème !
On était donc quatre autour de la table : moi et trois Ciunaas qui se nommaient Gluciaa, Rulciaa et Brulciaa. C’est du moins ce qu’ils m’ont dit.
On fait une partie, puis deux, trois, et quatre que je gagnais toutes. On ne peut pas dire que mes adversaires étaient mauvais mais j’avais plus d’expérience qu’eux. A la fin de la cinquième, où je laissai gagner Gluciaa, je leur dis que le poker pouvait se gagner en faisant des paris. Je leur expliquai alors le concept qu’ils parurent comprendre, puisqu’ils émirent un petit son aigu que je crus être un signe d’approbation. Je me félicitais en pensant que s’ils avaient le sens de l’humour nous pourrions passer une excellente soirée.
C’est aussi à la cinquième partie que je pris un peu de ce fameux liquide qui me parut tout à fait inoffensif.
On fit cinq autres parties que je gagnais encore sans problème. Je commençais à amasser quelques petits objets qui semblaient fort intéressants. Je vois votre objection et je puis vous dire tout de suite que j’avais pris la décision de tout leur rendre à la fin de la soirée si j’avais gagné.
Tout se renversa à la onzième partie. Je ne me rendis pas compte que leur liquide ajouté à mes victoires me rendait un peu trop euphorique et je perdis les cinq parties suivantes. A ce moment-là du match, Rulciaa nous battit tous et je n’avais plus aucun objet en ma possession qui pouvait les intéresser.
J’aurais dû arrêter à la seizième partie mais je leur dis que j’allais essayer d’en faire une dernière dans l’idée de me refaire… La partie commençait bien. J’avais trois as : un de pique, un de carreau, et un de cœur, un roi de carreau, et un sept de trèfle. J’enlevai de mon jeu les deux dernières cartes et j’en piochai deux autres. Coup de chance, l’une des deux était l’as de trèfle ! J’allais pouvoir reprendre une partie de mon retard car je ne voyais pas comment l’un de mes adversaires pourrait avoir un meilleur jeu que le mien. Gluciaa et Brluciaa sortirent du jeu et il ne restait plus que Rulciaa. J’exultais intérieurement et je mis un dernier petit médaillon sur la table voulant voir le jeu de mon concurrent. Lui ne voulut pas, disant que je pouvais encore parier d’autres choses. Je lui répondis que ce n’était pas possible. Je ne pouvais quand même pas lui offrir la lune ! Il me prit au mot et me dit pourquoi pas. Soit ; étant sûr de gagner, je mis la lune en jeu et lui l’un des objets les plus importants de son peuple. Dans le même tour, on allait montrer nos jeux.
Quelle ne fut pas la surprise lorsqu’il me montra ses cartes ! Il avait une quinte flush : huit, neuf, dix, valet et dame de couleurs différentes. Mais c’était suffisant pour emporter la mise !! Lorsqu’il récupéra les différents objets sur la table dont le nom de la lune sur un bout de papier, il refit un petit cri, cette fois strident. Il devait se moquer de moi…
On décida d’arrêter la partie, personnellement, je croyais bien que le lendemain rien n’aurait changé, et je dormis à peu près tranquillement.
Le lendemain, ils nous renvoyèrent sur Terre en disant que nous étions convoqués par notre gouvernement. C’est à cet instant-là que j’ai commencé à prendre peur. » L’officier Jean arrêta son long monologue la voix cassée.
« C’est tout, la lune s’est jouée dans une partie de poker et maintenant elle a disparu, vraisemblablement atomisée. »
« Oui », balbutia Jean effondré. « Comment pouvais-je savoir qu’ils ne comprenaient pas le second degré. Ils paraissaient si amicaux. »
« Qu’allons-nous faire de vous ? Ce qui est sûr, c’est que vous allez rester au trou assez longtemps, tout d’abord pour votre condamnation, mais aussi pour votre sécurité. Je ne sais pas si vous êtes au courant mais tout le monde veut vous étriper et là aussi c’est dans le sens premier du terme !!! »
« Ils ont raison, » dit en pleurs Jean. « La lune est si importante, elle a permis à tant d’écrivains, de peintres et autres artistes d’avoir l’inspiration… Sans compter son action sur l’environnement : la position de la Terre, les marées… Je ne mérite que la mort ! »
Le silence se fit entre les deux hommes. Une personne frappa à la porte. Le général lui dit d’entrer.
« Excusez-moi de vous interrompre, mais je pensais qu’il faudrait mieux que vous me suiviez, il se passe quelque chose de très étrange »
Le général se tourna vers l’officier Jean et dit sévèrement :
« J’espère que vous n’avez pas parié autre chose ! »
Il eut comme unique réponse les yeux implorants de Jean.
Ils entrèrent dans une grande salle où était rassemblé un grand nombre de militaires et de scientifiques qui scrutaient le ciel dans l’attente de quelque chose.
Au bout de quelques minutes, la lune réapparut dans toute sa splendeur ! Mais comment cela pouvait être possible ? Jean la regardait, ébahi, comme toute l’assemblée présente.
Quelques jours après, ils surent qu’un masque antigravitation avait été lancé sur la face visible de la lune, ce qui cacha celle-ci à la vue de la Terre.
De nombreuses personnes lancèrent des cris de joie. Un télescope était braqué sur notre satellite où un message était inscrit. Un homme pouvait lire alors tout fort la phrase suivante :
« Vous avez réussi notre ultime défit, vous nous avez fait confiance et nous vous estimons comme nos amis ».
L’officier Jean, le plus soulagé de tous, lança à l’assemblée :
« Qui est-ce qui disait qu’ils n’avaient pas le sens de l’humour ? ! »
~ FINIS ~
PERTE DE CONSCIENCE
29 et 30 mars 2001
Il était allongé sur son lit. Une fatigue empreinte de lassitude se fit sentir. C’était si souvent qu’il ne savait plus pourquoi il avait été. Les insomnies, évoquait-il. Mais ce n’était qu’une excuse pour que son entourage ne se pose pas de questions et il en arrivait même à s’en persuader les jours où il semblait se sentir bien.
Encore une fois, des larmes coulaient le long de son visage, sans raison apparente, et sans qu’il n’ait aucune douleur précise. Elles coulaient toutes seules, simplement. Malgré son désespoir latent, son esprit se souvenait d’un article qu’il avait lu quand il était adolescent, disant que certains jeunes étaient victimes de cette réaction et que ça passerait avec l’âge. Mais il avait 21 ans et ça lui arrivait encore. Il savait très bien que ce n’était pas pour les mêmes raisons qu’avant. Le sentiment qu’il ressentait ce jour-là, il ne l’avait connu qu’une fois, un an auparavant. Il le sentait inexorablement monter en lui, et son cœur s’accéléra. Il ferma les yeux essayant de penser à autre chose. Mais il ne pouvait pas. C’était aussi lors d’un sombre soir, après sa deuxième rupture, mais la seule qui avait compté pour lui. Il avait vécu les six plus beaux mois de sa vie. Grâce à elle, il avait pu voir un avenir possible. Cette relation l’avait transcendé, son amour lui avait permis de s’accepter tel qu’il était, ce dont il n’était jamais arrivé avant. Car c’était la seule personne qui était arrivée à comprendre ses doutes et ses interrogations. Enfin, c’est ce qu’il avait cru. Ses quelques amis l’avaient bien soutenu. Et il s’était reconstruit le masque de la joie nécessaire que la société impose pour paraître dans la norme… Et ce soir-là était de trop. Pourquoi celui-ci ? Il ne le savait pas. Mais ce n’est pas ce qui l’importait. Plus rien n’était important dans ce moment-là, justement. Il sentait le froid autour de lui, mais son corps ne tremblait pas, seul son cœur lui faisait mal. Son esprit se vida peu à peu, il faisait de plus en plus sombre autour de lui, et pendant une fraction de seconde, il se crut dans le vide sidéral, rien autour de lui, que des étoiles très très éloignées, comme s’il était au milieu de nulle part. C’était dans ces moments-là qu’on pouvait véritablement appréhender le sentiment de solitude. Juste après, il tomba dans une sorte de sommeil.
Il se réveilla. Il ne savait pas combien de temps il avait dormi mais ça devait faire au moins une dizaine d’heures car dehors le soleil était déjà haut dans le ciel. Son cœur se serra dans sa poitrine. Il avait un mauvais pressentiment. Quelque chose clochait mais il ne savait pas ce que c’était. Il se leva et rien dans l’appartement ne lui semblait anormal. Ce sentiment fut rapidement remplacé quand lui revint à l’esprit la soirée de la veille. Son moral ne fit que tomber un peu plus bas. Il se traîna de force sur le canapé et ouvrit la télévision. Il essaya toutes les chaînes mais aucune n’émettait un programme. Il alluma la radio mais n’eut que des grésillements pour toute réponse .L’incompréhension se mêla à la surprise, et l’appréhension qu’il avait ressentie au réveil redoubla. Son esprit analytique, celui qu’il aimait appeler son armure, prit rapidement l’ascendant pour trouver une solution à ce problème insolite. Tout d’abord, il pensa à une panne générale dans l’immeuble.
Il ouvrit alors la fenêtre et il comprit instantanément pourquoi, dès le réveil, il s’était senti mal à l’aise, pourquoi il avait ressenti une sorte d’oppression. Dehors, le silence était pesant, les seules personnes qu’il voyait semblaient inanimées, deux voitures calcinées étaient enchevêtrées et de la fumée sortait encore très légèrement d’une carcasse. Il se reposa sur le canapé, se prit la tête entre les mains pour réfléchir.
Quelques minutes après, il sortit de l’appartement à la recherche de quelqu’un, d’une personne qui pourrait peut-être lui expliquer ce qui se passe. Restait-il encore quelqu’un de vivant à part lui ? Pendant qu’il marchait, tout, dans son esprit, lui semblait au ralenti, un peu comme s’il était au-dessus de ce qui arrivait. Il n’était qu’à moitié conscient de la situation. Il avait pris le pouls des premières personnes allongées qu’il rencontra dans sa rue, et toutes étaient malheureusement décédées depuis déjà plusieurs heures. Dans la plupart des grandes rues où il passait, ce n’était que désolation. Maintes questions résonnaient dans sa tête et une revenait toujours : pourquoi, lui, était-il toujours vivant ? Le désespoir le submergea. Et s’il était tout seul ? Que ferait-il ? Que lui arrivera-t-il ? Partirait-il à la recherche d’un éventuel survivant comme lui, où mettrait-il fin à ses jours ? Il n’en savait strictement rien, et pour l’instant, une grande partie de son énergie se perdait à marcher de long en large dans la ville.
Le soir commençait à paraître quand, il lui sembla entendre du bruit. D’abord, il crut que c’était un immeuble en feu comme il en avait croisé plusieurs autres. Mais non, il entendait distinctement des voix provenant de sa gauche. Quand il vit enfin des formes humaines debout, il avait du mal à y croire, et son cœur tapa bien fort dans sa poitrine. Il n’était donc pas tout seul. Ils étaient cinq, trois hommes et deux femmes, et ils s’approchèrent rapidement de lui.
Arrivés devant un immeuble avec une immense porte en bois foncé, l’un d’eux fit un code et poussa le battant. Ils montèrent un étage et une clé circula de main en main pour arriver dans celles d’une des deux femmes qui ouvrit la porte nerveusement. A l’intérieur, nous nous dirigeâmes vers une grande salle avec une table et quelques chaises. Une salle de conférence ? Dans le couloir qui menait à la salle, il vit une porte entr’ouverte et il eut le temps d’apercevoir un bureau dans le coin de la pièce.
Leur conversation dura très longtemps et il restait sur le qui-vive. Il remarqua aussi que leur attention fut surtout palpable quand il expliqua pourquoi il était vivant. Tout au moins, c’était la seule explication qu’il pouvait formuler même si elle n’avait rien à voir avec le bon sens. C’était la seule qu’il avait à fournir. . Puis, après un repas très frugal, et qu’ils décidèrent d’aller se coucher, il relança avec quelques difficultés le débat sur ce qui avait bien pu se passer. Et l’un d’eux, qui semblait le plus fatigué, donna une des explications possibles. Il expliqua que c’est grâce à une sorte d’appareil qui aurait analysé un certain type d’ondes cérébrales. C’était pour cela que lui, aurait été sauvé, car ces ondes en question avaient été modifiées lors de sa crise de dépression. Le discours était d’une telle rigueur scientifique qu’il ne manqua pas de le remarquer en son for intérieur. Il allait continuer son explication quand l’une des femmes (celle qui ouvrit la porte) se leva et intima à tous l’ordre d’aller se coucher car le lendemain les recherches devraient recommencer de plus belle.
Même s’il n’en était pas sûr, le comportement de ces personnes ne lui paraissait pas très clair. Aussi, il avait pris sa décision : quand ils seraient tous endormis, il partirait. Une heure après, tous semblaient s’être assoupis. Il fut le plus discret possible. Avant de partir, il alla dans la seule pièce qui contenait un bureau, du moins c’est celui qu’il avait aperçu en arrivant. Après quelques recherches, il trouva un organiseur électronique et, en l’ouvrant, il vit une carte mondiale et des icônes représentant des groupes et des zones neutres selon les indications. Ses appréhensions étaient donc justifiées même si ça ne faisait qu’augmenter l’incompréhension de ce qui venait de se produire ;
Quand il quitta le bureau, il entendit du bruit dans la chambre principale. Il sortit rapidement et commença à courir quand il entendit derrière lui une voix autoritaire féminine criant qu’il fallait absolument le rattraper.
Il ne savait pas où il allait et combien de temps ils mettraient à le retrouver, mais sa vie avait maintenant un but : celui de la survie. C’est ce sentiment qu’il lui avait manqué dans son ancienne vie…
~ FINIS