Les "Lettres de Pierre" Extraits tome 4
22 août 1921
Chère Maman,
Ce que j’indique ici, est une pensée d’ordre plus pratique que vous devriez méditer sérieusement. Les questions sociales, par exemple, dont le profond retentissement vint jusqu’à nous, sont traitées avec un inconcevable parti pris. Vous êtes tous plus ou moins des idolâtres…et vous dressez pour une conception limitée à vos propres arguments, un autel, parfois austère parfois plein de lumière, où le dieu que vous adorez n’est pas le Dieu crucifié par amour.
Avec quelle dureté les hommes refusent aux hommes le droit de penser ! Et vous-mêmes ô chrétiens, vous ne pratiquez pas la méthode d’amour du Messie, qui disait à une païenne : « Ta foi est grande ! ». Qui êtes-vous pour juger vos frères ?... Savez-vous si tel martyr d’une foi qui n’est pas la vôtre, n’héritera pas de la Vie éternelle aussi bien que vous ?...
Me comprends-tu, chère Maman ?... « Il sera beaucoup redemandé à ceux qui ont tant reçu ». Mais les autres, qui dans un élan de charité renoncent à leur famille et à leur maison, pour se consacrer passionnément à la conquête de la société – au nom de leur propre utopie peut-être mais toutefois dans un but exclusivement altruiste – seront invités à la table du festin. Ce sont là, les « boiteux, les estropiés, les aveugles », que le père de famille convie à sa Demeure.
Toute semence d’Amour produit de l’amour, et Dieu seul peut juger la valeur de celle qu’il a confiée à chacun de vous ; Dieu seul pèse dans la balance de la justice, le grain de vos moissons… « Prenez garde ! »
répandre mon message devant les cœurs douloureux des hommes. Quand nous aurons vu le résultat de notre tentative d’obéissance à la volonté de Dieu, nous attendrons la décision de mes guides.
Ne crains pas pour cela, ma petite Maman bien-aimée !... nous avons ressaisi l’intimité de nos âmes, elle doit être éternelle ! Papa, Maman…vous avez retrouvé votre Pierre vivant, vivant !... plus consciemment aimant que lorsqu’il était aveuglé par la chair !! Mais il se pourra que nos entretiens soient sans valeur pour d’autres que pour nous, comme il en était dans notre paisible vie de famille. N’en aie pas de chagrin. Maman mienne… selon l’indication de ceux qui me conseillent et qui sont mes maîtres, je te dirai ce qu’il sera bon de répandre.
Maintenant, je viens t’embrasser… aussi facilement, crois-le bien, que lorsque je te disais : « Au revoir ! » avant la guerre !... avant la guerre ! avant la guerre !...
Pierre
23 août 1921
Chère Maman,
Tel un rayon de soleil sur un paysage voilé, tel un rayon d’amour sur les cœurs douloureux ; telle une parole douce contre une parole blessante, telle la justice devant le crime « Faites du bien à ceux qui vous haïssent ; priez pour ceux qui vous outragent ! »
Un chrétien doit être lumière ; un chrétien doit réchauffer ; un chrétien doit pardonner, consoler, apaiser, réjouir… en un mot aimer!... oui, aimer tous les frères que la vie met sur la route. Remarque-le, je dis la vie et non pas Dieu. En effet, s’il y a des rencontres, des rapprochements voulus par Dieu, il n’en n’ait pas invariablement ainsi. Lorsque vous vous trouvez en présence d’un ennemi, caché ou connu, pourquoi serait-ce toujours la volonté de Dieu qui vous éprouve ?... la puissance de Satan est une terrible réalité ! Vous attirez le mal en y cédant, mais vous l’anéantirez en aimant. Certes, Dieu vous soumet parfois à la tentation ; c’est une épreuve que le Christ Lui-même a connue au désert ; et lorsqu’il enseigna la prière à ses disciples, Il dit : « Père, ne nous expose pas à la tentation. Mais il ajouta : « Demandez, et on vous donnera ».
Il est donc indispensable de prier pour rayonner ; il faut prier, car Satan est le Tentateur ; il faut prier, car Jésus lui-même a gémi : « Père, que cette coupe passe loin de moi ! » Ainsi
donc, que le danger vienne du Prince des ténèbres ou du Père qui vous aime, si vous êtes tentés de manquer à un devoir d’amour, priez !
PIerre
25 aoùt 1921
Ah ! Ma petite Maman, s’il vous semble parfois vivre plus éloignés de vos tendresses sanctifiées par la mort, c’est que vous ne possédez pas suffisamment l’esprit de prière ! C’est que vous confinez toute préoccupation, toute méditation aux objets terrestres, alors que ce sont là choses passagères, et qui n’ont d’autre importance que le sursaut de leurs énergies, lorsqu’il est assez actif et puissant pour imprimer une oscillation à la direction de votre âme.
Tu t’étonneras sans doute d’un si solennel avertissement, car ceux qui parmi vous, sont les plus zélés pour toute idée impresse tournée vers les questions spirituelles, font vis-à-vis d’eux-mêmes deux parts dans la responsabilité humaine. Il y a ce qui concerne la Terre et ce qui concerne le Ciel – J’entends ces deux noms comme « indicatifs des tendances » et non pas comme centre concret et localisé – Ainsi vous jugez, et votre improbation se déclenche selon la prédominance de votre nature… voire même, d’après le résultat de vos expériences, pour ou contre, ou entre les deux genres de recherches, plutôt préconçues que consciemment étudiées. Quelle erreur ! Si vous avez un corps c’est évidemment pour servir l’esprit ; non pas cependant pour le servir en étranger, mais en collaborateur. Je veux dire par là que toute conception des devoirs matériels doit avoir sa contre-partie dans l’esprit. Il est impossible que vous preniez une décision quelconque (fut-ce de dormir ou de manger) sans qu’il en résulte une baisse ou une hausse du baromètre psychique………………….
Il te semble que je me suis éloigné de mon sujet, mais écoute-moi bien, ma chérie Maman : « La prière est une élévation de l’âme vers son Dieu et vers les régions spirituelles ; tout élan d’amour est une prière, toute consécration est une prière, tout acte de foi, tout renoncement, tout devoir consciencieusement accompli est une prière.
Je te l’ai dit, quand la douce communion mystique unit un esprit du Ciel et un esprit de la Terre, elle ne doit pas entraîner vers l’ombre l’esprit qui vit dans la lumière ; c’est l’esprit de l’ombre qui s’élèvera, pour retrouver dans cette lumière celui qu’il aime fidèlement et purement.
PIerre
31 août 1921
Chère Maman bien aimée,
Le processus par lequel la pensée se manifeste, ne change pas avec la destruction du cerveau, puisque ce n’est pas le cerveau qui pense, mais l’action de l’esprit qui se prolonge en pensée. Il est étrange que vous ne réalisiez pas l’équipollence de votre vie psychique, (y compris ses aboutissements dans vos sens, qui s’extériorisent, sans doute, mais qui tous ont des racines spirituelles (je veux dire issues de l’esprit)…) avec celle de votre vie extra-terrestre. C’est pourquoi la ressemblance entre l’existence du Ciel et celle de la Terre est très
grande… non pas en résultat mais en causes. Vous agissez après avoir conçu mentalement un plan et des directives ; nous de même ; si notre action se manifeste autrement, c’est que nos besoins sont différents, et que, par exemple, nous ne méditons jamais sur les conditions matérielles de la nourriture ni du vêtement. Néanmoins, théorie et procédés sont identiques ; nous « réfléchissons », ainsi que vous le faites, et nos actes sont la suite logique de nos conclusions mentales, si je puis dire. Alors il est bien simple de voir la place admirable qu’occupe le souvenir (cette fidélité de l’âme) dans nos sphères où l’Esprit règne.
Soyez donc sans crainte, ô mes bien-aimés !... rien n’est oublié, ni de votre amour, ni de vos paroles, ni de votre sollicitude quand nous avons souffert notre Gethsémané. Plus privilégiés que notre Sauveur qui devait connaître l’abîme de souffrances, nous le savons, nos mères « ont veillé toutes ces heures avec nous !! ». Bénies soient-elles !!
Ton Pierre
5 septembre 1921
Ne vous lassez pas d’aimer ! Efforcez-vous d’aimer, toujours plus et toujours mieux ! C’est notre œuvre au Ciel… Pourquoi ne l’accomplissez-vous pas sur la Terre ?... Ce qui vous sépare de nous c’est le manque d’amour. Toute pensée concentrée sur vous-même, vous enferme dans un cercle hostile aux influences célestes. Ouvrez vos cœurs et aimez !... Nous vous appelons à l’Amour… je veux dire : au Royaume de Dieu, où règne Son Christ ; et c’est en aimant que vous arracherez le voile qui nous dérobe, et que vous retenez obstinément sur vos yeux vous seuls.
« Toujours le même message ! » direz-vous. Oui, mes frères, toujours le même message… l’Evangile !
Ton Pierre
19 septembre 1921
Chère, chère Maman,
Dieu a mis l’homme en possession d’une fortune incalculable, quand son Amour prit le parti d’établir sur la terre de relèvement et d’expiation (mais non point de châtiment) les esprits rebelles qui devaient former la race humaine. Dieu n’a pas dépossédé Ses fils : ils gardent toute leur capacité spirituelle pendant leur habitat dans la chair ; ils l’ignorent, et ce n’est pas une sorte de fatalité qui les oblige à cette méconnaissance de leurs aptitudes originelles, mais, du fait de l’hérédité, leur négligence a tout d’abord opposé un voile qui, peu à peu, diminuait la puissance de l’activité spirituelle d’une humanité déchue… Toutefois, je le répète, la terre n’est pas un lieu de punition, mais un champ d’épreuves. Telle est la raison des souffrances infinies de la vie terrestre, où les âmes travaillent au relèvement de leur « famille ».
Ton petit Pierre
25 septembre 1921
Maman chérie, la conquête de la vie éternelle (c’est-à-dire : le retour à la destinée normale
de l’esprit-homme) sera la conclusion du combat : la race humaine doit le conduire jusqu’à cette victoire. Que d’obstacles dressés devant les fils de Dieu, émus au fond de leur subconscience éclairée, lorsqu’ils entendent les appels du monde spirituel, qui leur remémorent la gloire de leur filialité sainte ! Que d’obstacles !... mais les plus rudes assauts sont ceux que provoque l’Eglise. Comme aux jours où le Christ-Lumière cherchait à convaincre les prêtres du peuple juif, de leur culpabilité en face des révélations exceptionnelles de Dieu, c’est encore l’Eglise qui impose son verdict d’interdit et d’étroitesse de ses préjugés, à la Révélation élargie par l’Esprit de Jésus, quand (ainsi qu’Il le faisait pour ses apôtres) Il envoie ses fils spirituels aux hommes, pour leur expliquer toutes les raisons de Dieu. Oh ! que l’Eglise est obstinée et que son orgueil est immense !
1er octobre 1921
Chère Maman,
Notre vie au Ciel est « une prière exaucée ». Ö chrétiens sauvés par grâce… ô pécheurs rachetés par le mérite de votre repentir actif et fécond, vous pourriez ressentir cette ineffable joie : « la plénitude parfaite de confiance », qui est la paix de nos sphères.
Nous habitons derechef la Maison paternelle, dans une quiétude spirituelle pareille à celle du petit enfant réfugié contre le cœur de sa mère ; il lui semble n’avoir rien à redouter et tout à attendre…( Remarque-le, je ne dis pas, « rien à espérer », mais « tout à attendre » ; il y a une différence primordiale entre ces deux sentiments.) En effet, nous avons obtenu la certitude des promesses accomplies, alors même que nous ne sommes pas encore parvenus au stade de leur accomplissement ; et c’est pourquoi je compare la vie du Ciel à une prière exaucée car comme toute prière est déjà exaucée au moment où nous la formulons avec foi, ainsi en est-il de nous. C’est avec la confiance la plus absolue en Dieu, en Ses promesses, et en Son amour, que nous « remettons nos esprits entre Ses mains ». Je te l’ai dit : au début de la vie céleste, tous les nuages ne s’écartent point de nos regards, aussi curieux qu’anxieux de s’instruire pour nous permettre d’agir selon le vouloir et les desseins de Dieu. Peu à peu, le souffle spirituel balaye les brumes ; nous nous élevons graduellement au-dessus de ces obscurités, qui ne recouvrent que les « vallées » du monde nouveau où nous pénétrons par la mort. Je pourrais comparer ce phénomène psychique à celui que vous appelez : la « mer de nuages » ; lorsque vous dépassez les premiers plans de la montagne, toute enveloppée de brouillard, vous déclarez soudain un ciel immaculé, un soleil lumineux et réchauffant. Il en est ainsi pour nos âmes, chère Maman ! Vous vous sentez perdus dans la nuit et dans les brumes… mais faites un effort de foi pour la prière, avec la certitude des soucis d’amour du Pére miséricordieux… ah ! Faites un effort ! Peut-être distinguerez-vous aussitôt la doublure d’argent du sombre manteau qui cache le jour éternel.
28 octobre 1921
Mes bien-aimés,
Ainsi donc, frères, attendez-vous à ce que la vie des sphères premières soit encore parsemée d’épreuves. Ce sont, il va de soi, des épreuves toutes morales : la tentation d’égoïsme, d’amour-propre, d’orgueil ou même d’indifférence (je t’ai déjà montré ce qu’il en fallait penser…) l’indifférence dont l’Esprit a dit : « Plût à Dieu que vous fussiez froids ou bouillants ! » l’indifférence contre laquelle les grâces de Dieu s’usent hélas ! et qui reste stérile et vaine. Toutes ces directives de l’âme franchissent avec nous le seuil de la vie spirituelle : ce sont des plantes détestables, que nous devons détruire peu à peu avec des larmes, des remords et du désespoir.
Non ! mes aimés, la séparation de l’âme et du corps n’est pas l’effacement du passé… bien au contraire ! c’est, ainsi que vous les disent les Evangiles, la récolte des moissons préparées sur la terre… A quoi bon sans cela l’existence terrestre ?... Lorsque nous arrivons aux sphères encore prochaines du monde matériel…(ou plutôt de la vie matérielle) nous nous sentons si bien « celui que nous avons toujours été », que l’idée d’une évolution accomplie ne nous vient même pas. Pour me servir d’une expression familière : « nous n’en revenons pas. » Mais les anges de Dieu, et tous ses serviteurs nous parlent, nous encouragent, nous aident ; alors nous réalisons bientôt que nous faisons partie, désormais, de cet invisible qui entoure les hommes…
Ton petit Pierre
30 octobre 1921
Je voudrais, mes aimés, que vous vous souveniez, vous aussi, de la simplicité de l’Eternel Omnipotent, qui, pour nous persuader de Son amour, le démontra aux hommes sous le symbole de la famille : un Père, une Mère, un Fils… se mettant ainsi à la portée des plus humbles comme des docteurs du siècle. Alors quand, à votre tour, vous aurez contemplé cette incomparable Trinité de tendresse, aucun doute ne subsistera dans vos âmes angoissées : ce père, qui donna à son Fils soumis à l’épreuve de la chair, une Mère pour l’aimer, le consoler et se perdre en lui par amour, ce Père ne saurait reprendre aux mères éplorées l’enfant qu’elles ont conçu, et que l’évolution indispensable à l’ascension de l’humanité dérobe « pour un peu de temps » à leurs yeux, incapables de transposer en faits, les visions uniquement spirituelles. Je veux dire que, lorsque vous regardez le monde qui vous entoure, chaque chose vous semble objective… et, sans cela, vous ne verriez rien ; pourtant vous êtes environnés d’autre réalités, toutes pareilles à l’éther qui enveloppe le monde… mais vous ne savez point les distinguer !
Votre Pierre
14 novembre 1921
En vérité, en vérité, chère Maman, vous êtes aussi loin des réalisations chrétiennes que les païens de la religion véritable. Elles ne font point partie de votre âme. Evidemment, vous conservez de certaines habitudes pieuses, qui cependant ne servent qu’à dissimuler l’état réel de vos âmes ; mais les Grecs prosternés devant Zeus, ou les Romains devant Jupiter, comptaient plus sur l’exaucement de leurs prières, que les chrétiens de votre temps quand il font appel à l’Amour favorable de l’Eternel. Aussi Dieu exauçait-Il la simple confiance des ignorants, mais il refuse d’acquiescer aux demandes des chrétiens, faites sans « la foi qui transporte les montagnes ». Les grâces du Père céleste tombent à vos pieds… Vous ne tendez même pas les mains pour les recueillir, parce que vous restez si indifférents aux manifestations de Sa miséricorde, que vous ne savez plus les reconnaître quand elles se produisent. Ainsi donc, par quel pouvoir pourrions-nous vous convaincre ?... Uniquement par la tendresse persistante de nos âmes qui vous « environnent », ma petite Maman.
Ton petit PIerre
18 novembre 1921
Chère Maman
Les hommes sont de deux sortes : ceux qui gémissent, qui reprochent à Dieu tous les évènements, grands ou petits, dont leur vie est faite, et les autres, qui passent, absolument indifférents, autant que l’animal qui va de la naissance à la mort, plein d’inconscience, et sans se préoccuper du jour prochain plus que du jour écoulé. En somme, ni les uns ni les autres n’ont compris quoi que se soit à la destinée humaine, qui est de ressembler à Dieu. Il en résulte, (et ce n’est pas surprenant !) que le brusque rappel des réalités spirituelles, confond ces insensés que rien ne préparait aux révélations de l’âme. Vous-mêmes, mes frères, qui cependant avez reçu les lumières de l’Evangile, vous qui appuyez votre morale sur ses décrets, et vos espoirs sur ses promesses, vous vivez en marge de la connaissance des enseignements messianiques.
Christ vous apprit que la véritable existence est celle de l’esprit, que les agitations du corps sont de simples gestes d’automates, et que seules, les grandes envolées de l’âme ont une valeur inestimable et immortelle. Que sert-il, en effet, d’être pauvre ou fortuné, ignorant ou savant, faible ou puissant ?... une seule chose compte, c’est la santé de votre âme… santé facilement vacillante, parce que vous ne veillez pas assez sur son hygiène ; il me semble que tout cela vous laisse indifférents. Somme toute, vous ne comprenez pas l’importance unique des réactions spirituelles qui sont destinées à se perpétuer – source de votre avenir impérissable, cause initiale de tout ce qui vous paraît avoir quelque importance, soit en vous, soit autour de vous ; de sorte que l’indéhiscence des fruits dont vous êtes l’arbre, est devenue la règle au lieu d’être une monstrueuse exception. Votre âme est hermétiquement close… rien ne s’échappe qui puisse prendre vie… elle devient stérile, sans but, sans raison, sans avenir.
Ton Pierre
23 novembre 1921
Chère Maman,
Pourquoi demeurez-vous surpris que des incessants adieux forment la trame de la vie terrestre ?... Ce qui vous semble composer votre existence, n’est qu’une broderie, tableaux joyeux ou tristes, tissés sue l’invisible canevas, et qui sont destinés à se faner et à passer à mesure que se déroule en chaque âme le fond du travail. Ainsi je te le dis encore, quand le soleil descend sur un de vos jours vous repliez vos ailes, et vous dites adieu pour jamais aux résultats périssables. Pourtant, le tissu que Dieu vous a confié n’est pas terminé… l’astre se lève sur un matin ; vous reprenez le travail pour recouvrir une partie vierge qui vous attend.
C’est pourquoi vous ne devez pas accepter sans de nombreuses exceptions, l’idée – bien déconcertante pour la tendresse – des réincarnations renouvelées. La trame n’est pas finie quand la mort suspend votre travail terrestre, et seules, les âmes qui ont déchiré gravement cette trame dont elles sont responsables, doivent s’attarder sur la terre pour la réparer. Je t’ai déjà dit que les moyens de Dieu sont multiples ; mais où les traducianistes ont tort, c’est quand ils refusent, à leur tour, des exceptions à cette loi de la génération humaine des âmes (je veux dire, par l’intermédiaire des parents). Je t’ai déjà parlé de cela ; c’est une question très controversée, du fait de l’ignorance de la réalité, et tout à fait sans remède si vous cherchez des preuves à vos hypothèses.
PIerre
24 janvier 1922
Ma petite Maman,
Je crains que vous suiviez difficilement les interprétations mystiques de la Trinité… comment pourrais-je les expliquer autrement, puisque telle est la vérité.
Ainsi donc, les mouvements de l’Esprit de l’Etre éternel et Souverain nous inspirent et nous enseignent ; mais ce Jésus – le Bien-Aimé, qui, sous l’image de notre faiblesse, a vaincu pour nous la mort et démenti les calomnies de Satan – ce Jésus nous conduit où Dieu nous envoie, soit dans le Ciel soit sur la Terre… et le Saint-Esprit est la voix de Dieu. Je le redis encore : l’amour et le Pardon, c’est Jésus ; une Pensée divine ; le Jugement et la Condamnation, c’est le Saint-Esprit : une manifestation parlée du Caractère et de la Pensée divine.
A l’instar de Dieu – en Christ ou dans l’Esprit – notre œuvre est parfois passive, comme la contemplation de la gloire du Tout-Puissant, ou active, comme la prière qui s’adresse au Père de miséricorde. L’une et l’autre manière sont des gages d’obéissance à la suprême Volonté du Dieu qui a fait le Ciel, et les mondes, et les hommes, et toutes les races sans nombre ; du Dieu incalculable en gestes, Unique en Pensée ; du Dieu illimité en toutes conceptions, défini en exécutions ; du Dieu qui, ayant conçu l’univers dont nos âmes ne peuvent embrasser la multiplicité, ni l’envergure, créa l’homme, et la fleur, et la fourmi, et l’atome – oui, ô Souverain, incompris et désirable – la Plénitude de la grâce inapprochée, premier titre de la charité, Jésus-Fils issu de Dieu, et l’infime effort vers sa ressemblance lumineuse : l’homme, né d’Adam… esprit cependant, esprit, héritier de l’ascendance divine de son Père dans la chair.
Je te reparlerai de tout cela, Maman. Je veux cependant tirer une conclusion plus simple : serviteur de Dieu sous les ordres de son Christ, à la lumière de son Esprit, j’obéis !!
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Ton Pierre
27 avril 1922
Chère aimée,
Je t’ai dit plusieurs fois le raison des brusques interruptions dans nos entretiens ; n’en sois pas surprise : notre activité est soumise à la discipline de l’Amour, et quand les esprits, nos guides, ont besoin de nous pour une mission importante, nous courons à leur appel, car ils sont les interprètes du Vouloir divin. Cette obéissance fait notre joie !
Maman, qu’il vous serez bienfaisant sans doute, de connaître la douceur et la grandeur de l’existence qui est la nôtre dans la sphère blanche, la sphère du Christ, celle où Dieu m’a jugé digne de pénétrer et de demeurer, afin de ne pas laisser se perdre l’influence – presque matérielle – dont je fais ma joie quand je travaille avec toi, chérie. La sphère du Christ ?...n’est-ce point vous indiquer notre œuvre d’amour, d’appel à la repentance, et d’efforts missionnaires, que de prononcer ce nom magnifique ?... Christ ! ö Jésus !... dont Dieu, en ce donnant à la Terre créa la pure image d’abnégation et d’amour, avec quel enthousiasme sans défaillance nous obéissons à ta voix !
Christ est là parmi nous, comment il fut sur la terre au milieu des petits et des dolents… Il est là attentif aux souffrances des hommes, à leur repentance, à leurs prières, prêt à pardonner la révolte des cœurs meurtris, parce qu’Il aime, et « qu’ayant été tenté en toutes choses, hors le péché, Il est prêt à secourir ceux qui sont tentés ». Il est là, Roi de Justice et Prince de la Paix, et son silence apparent est un délai accordé au pêcheur pour faire naître le repentir…
Pierre
22 mai 1922
Chérie,
Vous seriez heureux, ô savants du monde qui ignore , si vous aviez appris la possibilité de l’inspiration, voulue, réclamée, acceptée jusque dans la discussion, et qui deviendrait une puissance réflexible entre les deux humanités (l’homme céleste et l’homme terrestre). Avoir pour professeur un des grands « esprits-lumière » du monde spirituel, et garder la faculté de discuter – non pas dans la méfiance mais en toute confiance – les théories comme les théorèmes, quelle joie glorieuse ! Nous l’éprouvons ici, de sphère à sphère… mais elle serait possible entre la terre et nous, si l’homme savait se servir des facultés spirituelles de sa race.
Pierre
25 mai 1922
Chère petite Maman,
Il m’est impossible, Maman chérie, de te montrer la beauté de la recherche géométrique de la foi, dans ces hypothèses que vous vérifierez un jour, et dans ces formules, déjà connues par ceux qui se sont spécialement consacrés à ces recherches. Ce n’est pas là un mystère, pour les curieux des secrets occultes de la science des mathématiques ; mais, comme je te l’ai dit souvent, je t’entretiens difficilement des sujets qui te sont aussi étrangers. J’y reviendrai cependant, car je crois que cela pourrait t’intéresser et que tu t’expliquerais ainsi une question surprenante : la véracité des horoscopes ; de même, et plus encore, la raison de la lenteur avec laquelle Dieu exauce certaines prières, dont cet exaucement amènerait une telle perturbation des règles établies, que le Tout-Puissant fait choix d’un procédé différent, pour ne pas violer Lui-même les lois qu’Il a créées. Rappelez-vous pourtant que les nombres impairs ont, en cosmologie et en psychologie, une valeur spirituelle incontestable et supérieure, et que leur influence a pour principe, l’équivalence de l’Amour ; c’est en quelque sorte le symbole de l’Amour, par définition et en fait.
Telle est l’incomparable Trinité, racine de toutes choses. Ainsi donc, Maman mienne, nous qui avons énoncé par notre union sans défaillance le théorème saint de la figure triple et unique, si je puis dire, nous sommes parvenus à l’ordre voulu par Dieu, qui nous en donna le sublime exemple en Jésus-Christ venant sur la terre pour annoncer le don de l’Esprit-Saint…je ne veux pas dire que les deux propositions soient identiques, mais, selon la règle établie par le Maître du monde, l’une est l’imitation de l’autre. Il y a des grandes et sérieuses conséquences à tirer de là ; je tâcherai de t’en parler une autre fois, chère Maman.
Ton Pierre.
2 juillet 1922
Tu seras surprise d’apprendre que je vis assez près de vous pour connaître vos projets : mais le sens profond de vos désirs remplis d’amour et de fidélité, explique à mon esprit tout proche des vôtres, ce que vous voulez faire en mémoire de mon passé terrestre. Là-bas (je dis ce mot pour me faire comprendre) on pense à moi et vous pensez à moi… et me voilà, mes chers aimés, toujours près de vos cœurs, désireux de vous faciliter toute expansion de tendresse qui élèvera vos âmes faites pour aimer. Allez donc ! et vous me sentirez présent, partout où mon nom viendra dans vos pensées, sur vos lèvres, à vos oreilles ! Ah ! répétez alors, comme moi-même lorsque je compris la justice de Dieu : « Que dirais-je !... Eloigne cette coupe de moi ! Mais c’est pour cela que je suis venu dans le monde !... Père que la volonté se fasse !! » Amen.
Votre Pierre mes chers bien-aimés !... votre Pierre !...
13 août 1922
Ainsi donc, lorsque votre âme souffre, quand vos yeux répandent des larmes brûlantes, quand vos mains se tordent, ô bien-aimés, écoutez-nous ! Nous vous apportons la méthode qui produit un bonheur comparable au nôtre : « Votre âme est brisée… aimez ! vos yeux pleurent… aimez ! vos bras restent vides et désolés… aimez !! » « Mais, direz-vous, qu’il est difficile parfois… souvent même, de manifester un tel amour ! » Non, oh ! non ! votre âme est brisée… priez ! vos yeux sont en pleurs… priez ! vos bras se referment , crispés et meurtris… priez !
Chère Maman, c’est là toute la vie des sphères célestes… « Aimez, priez ! »
Pierre
15 août 1922
Chère Maman,
Elle est cependant bien coupable, cette Eglise, qui, de la part de Dieu, doit éclairer les hommes sur la terre, lorsqu’elle renie les procédés dont Dieu se sert de votre temps, comme Il s’en servit dès l’origine ! Nous entendons les croyants refuser tristement d’écouter nos voix, oubliant ainsi que la race humaine, collaboratrice de son Dieu pour le bien de ses membres atrophiés, a toujours été l’intermédiaire désigné pour faire connaître à la terre, la voix (trop immatérielle aux oreilles charnelles) du Grand Esprit qui nous créa. Rappelez-vous les ordres de Dieu à Moïse, simple et facile exposé de ce moyen choisi par Lui qui est : de se servir des hommes (dans ou hors la chair) pour instruire les hommes. Les textes sont lumineux, et je les cite pour tranquilliser les consciences des théologiens intransigeants. L’Eternel dit à Moïse : « Tu tiendras pour ton frère la place de Dieu et lui, sera ton prophète ». « Tu diras les choses que je t’aurai commandées, et lui, parlera au roi », l’Eternel dit encore : « Je t’enseignerai ce que tu auras à dire ; tu parleras à ton frère, qui prononcera les paroles ; il parlera pour toi au peuple ainsi, tu tiendras pour lui la place de Dieu ». Moïse servit son Dieu comme nous le faisons au Pays spirituel, où nous interprétons les gestes du Père Tout-Puissant pour les répéter à la Terre, aveugle et sourde à cause du péché. Est-ce donc inadmissible devant la raison d’un croyant ?... Oh Maman, jusques à quand leurs cœurs seront-ils endurcis, et leur orgueil immense ?...
Ton petit Pierre
21 août 1922
Maman mignonne,
Ne te décourage pas ! Ton petit Pierre n’est pas plus éloigné de toi qu’au moment de sa délivrance… bien au contraire ! plus il se dégage de ce qui ressemble à la matière, plus il monte dans les choses spirituelles, plus grandit sa liberté… et je t’assure qu’il en profite pour entourer sa pauvre petite Maman d’une tendresse constante, infinie et agissante, qui cherche à se faire secourable. Oui, chérie, tel est l’Amour en éternité ; or (ne l’oublie jamais) notre raison d’être… je dirai plus : « notre unique réalité » du nous-même, c’est « l’Amour ! »
Pierre
30 août 1922
Dans les jours derniers de notre existence sur la terre, vois-tu, ma petite Maman, que de fois nous avons réalisé la mystérieuse volonté de Dieu – car nous passions si près des doigts de la Mort que, déjà, nous sentions leur étreinte se resserrer sur nos cœurs – et pourtant, le soir venu, nous étions « sains et saufs » (selon notre manière de voir du moment) et nous apprenions ainsi à remercier Dieu, qui avait fait pour nous un miracle. Si les hommes comprenaient l’unité de la vie de la terre et du ciel, ils ne s’affligeraient point quand partent les bien-aimés… ils ne trembleraient plus pour eux-mêmes, i pour ceux qui leur sont chers, car il est une douce et glorieuse pensée que tous devraient porter en eux : Dieu reprend à lui, Dieu laisse dans la chair, suivant un plan conçu et pour un but d’amour, mais « soit que nous vivions, soit que nous mourrions, nous sommes au Seigneur ». Il est donc évident que l’amour d’un père préside à notre destinée, et que nous considérons bien à tort comme une catastrophe, de quitter la terre pour entrer dans le monde spirituel
30 septembre 1922
Chère Maman aimée,
Toutefois, prends garde ! L’activité n’est pas l’agitation, et les grands inspirés eux-mêmes ne furent pas exclusivement des contemplatifs. Jean-Baptiste instruisait dans le désert… il initiait ses frères et la doctrine du baptême purificateur : « Préparez le chemin de Dieu dans vos âmes », s’écriait-il hardiment. Puis, lorsque vint Jésus, le Précurseur voyant sa mission d’appel accomplie, s’effaça devant Celui « qui était plus puissant que lui, et dont il n’était pas digne de délier les sandales ». Jusque là, il fut actif et paisible dans la vie sauvage du désert de Judée. Voilà le type de la démarcation qu’il faut établir « pour entrer dans le repos de Dieu ». Aux sphères spirituelles qui sont les nôtres, nous vivons ce repos de Dieu : c’est une vie pleine d’activité, mais sans fatigue et sans agitation. Notre activité se manifeste de manière spirituelle, et la prière comme l’adoration muette, en sont les formes, tout aussi bien que les tâches missionnaires qui nous transportent auprès de vous et dans les régions célestes, où s’attardent encore des âmes, insuffisamment préparées à la grâce des béatitudes de l’esprit. Ainsi donc, le calme qui permet l’activité intense de la pensée est indispensable sur la terre comme au ciel, afin de permettre à l’activité véritable de se déployer utilement pour le « mieux-fait » de tous.
Ici même, le délassement nous est accordé, car il est bon de laisser son esprit se plonger dans l’atmosphère de la beauté ambiante. Nous avons des « concerts », des « conférences », des discussions amicales et stimulantes, qui rappellent la terre. Evidemment, ces concerts ne sont pas exécutés par des violons, des harpes et des flûtes, mais c’est ce que vous pourriez appeler l’âme de l’inspiration – véritable créatrice de tout instrument – qui chante et qui l’espace de mélodies inconnues à la terre ; vous n’en pouvez entendre qu’un écho dans vos plus belles symphonies et dans toute musique réellement inspirée. De même, les conférences qui nous intéressent tous ne sont point réglées comme celles qui groupent les élèves autour d’une chaire, dans vos universités ou dans vos réunions ; le procédé est tout autre : nous avons en même temps un spectacle et une audition, puisque, devant nous, la vue et l’ouïe se combinent en un même résultat.
Ton Pierre
14 octobre 1922
Chère Maman,
Ainsi donc nous retrouvons ici ceux que nous aimons et qui nous aiment, et notre existence se passe dans la plus douce intimité qui puisse être… Mais oui ! chacun de nous a sa tâche particulière ; pourtant il suffit du désir plein de tendresse d’une âme, pour la transporter près d’une autre âme qui lui est spécialement chère ; ainsi se reforment les amitiés, les amours, les familles. Tous les liens sacrés que Dieu établit entre les hommes (nécessité d’une union pour perpétuer la race) ne sont détruits par la mort que sous leur forme inutile pour la spiritualité ; mais ils surmontent le tombeau, car « l’amour ne périt jamais ».
Ayez donc confiance ! Le revoir annoncé sera le vrai revoir auquel vous aspirez tous : les enfants reconnaîtront leurs mères, les mères leurs enfants ! Vous nous retrouverez dans la sérieuse sérénité de la fidélité inaltérable ! Ah ! lorsque votre souvenir nous évoque, vous avez le droit de nous contempler par la foi, groupés comme naguère autour d’un foyer familial ; les visages ressemblent aux visages que vous aimez, les voix n’ont pas changé, car le voix est un écho des « paroles de l’âme » ; les yeux regardent encore, les mains s’unissent ! rêve délicieux de votre amour, si vous êtes encore sur la terre, mais réalité bienheureuse pour ceux qui sont « pensée »… esprits !... N’oubliez pas la limite qui nous sépare…(la seule en vérité !) quand vous voyez un paysage, c’est un mirage que nous contemplons ; quand vous scrutez les traits d’une figure aimée, nous connaissons l’image idéalisée dont elle est le double matériel.
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Chère Maman, j’ose à peine te parler de la beauté des conditions spirituelles… comment vous la prouver ?... Aimez : vous saurez !
PIerre
23 novembre 1922
Chérie Maman,
Qu’attendez-vous chrétiens, pour confondre les négateurs, qui, au nom de la science et sujette à changement, protestent contre les dires de votre expérience religieuse ? « Tout est possible par Christ qui fortifie », proclamait au premier jour de l’Eglise le lutteur des grandes batailles… Mais qu’attendez-vous donc pour confesser ainsi votre foi ?...(démonstration des choses qu’on ne voit point) a dit Silas (sic) ; il va jusqu’à cette affirmation : « par la foi des femmes ont recouvré leur enfant, morts et ressuscités ». Après une telle preuve des résurrections visibles, objectives, l’Eglise crie au sacrilège quand une mère, s’appuyant sur la communion avec les morts (ceux que vous appelez ainsi) annonce la possibilité des rapports spirituels sous l’égide de l’Amour… Est-ce admissible ? Que pourra donc prêcher cette Eglise inconséquente, pour amener la conversion des matérialistes de la science quand ils haussent les épaules et répondent : ‘Imposture ! illusion ! » à toute manifestation de l’Esprit, même virtuelle ?...
Ton Pierre
23 décembre 1922
Chère Maman bien aimée,
Le Ciel, c’est la véritable patrie de l’esprit-homme : il est « bourgeois de ce Royaume spirituel », car on ne perd jamais ce titre de gloire. Ah ! Maman, Jésus, le Christ, cherchait à vous apprendre que le Paradis attendu des hommes, c’est le résultat des victoires de l’âme, et non pas un pays lointain, impossible à connaître. J »sus annonçait le règne de Dieu sur la terre, en disant : « Aimez » ! Jésus affirmait que ce règne existait « autour de vous », et non point ailleurs. Il résulte de ces paroles que, selon l’état de vos réalisations spirituelles, vous n’avez pas à franchir la mort pour vous introduire au Ciel. La Terre est une des sphères du Royaume, et rien ne la différencie de celles qui suivent, si ce n’est la nécessité de la chair qui protège l’esprit embryonnaire de l’homme ; celui-ci fut envoyé sur la terre pour apprendre l’amour et le renoncement, auxquels il se refusait « au temps de la patience de Dieu ».
Ton petit Pierre
18 mars 1923
Maman chérie,
La Bible !... que ne considérez-vous ce Livre (qui a un visage étrange, voilé et splendide) comme l’aliment indispensable pour entreprendre l’ascension vers le ciel ! Je fais ce reproche à tous ! aux chrétiens protestants comme aux autres : pleins de suffisance hypocrite, ils affirment leur connaissance de la Bible… ils voient en elle « l’autorité indiscutable en matière de foi… » mais cette prétention est tout simplement un mensonge ! Le Protestantisme se croit le juge de la foi telle qu’elle se doit ; il s’imagine trouver la base de sa doctrine dans la Bible… Hélas ! la conception de la théodicée divine est tant au-dessus de ce que vous découvrez dans les Ecritures (je m’adresse aux protestants) que rien ne ressemble aussi peu à la vie et à la doctrine du Christ que cette définition de la vraie religion selon Dieu. La Bible, en réalité, est un schéma, un incomparable schéma, une esquisse en couleurs du grand tableau de la vie humaine, telle que Dieu l’a conçue, telle qu’il vous appelle à la réaliser. La Bible est un parterre, où Dieu mit les semences des belles fleurs célestes ; l’homme est le jardinier, chargé de les faire fleurir dans un glorieux épanouissement de vie, pour qu’elles portent les graines proligères qui formeront un jour l’Arbre de la Connaissance de Dieu.
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Evidemment, la Bible est pour vous un code, une théorie, une généalogie de la foi… or, tout cela est exact ; mais mieux encore, la Bible est un aliment… me comprendrez-vous ?
L’homme vient au monde, petit, dépendant… un simple réflexe de la vie transmise par la mère à l’enfant ; puis l’homme prospère, grandit, s’affirme, parce qu’il boit et mange, parce qu’il dort, parce qu’il a chaud, parce qu’il respire ; l’homme apprend à se connaître lui-même ; l’homme se sent responsable vis-à-vis de soi et d’autrui ; bref, l’homme vit alors qu’il existait, sorte d’ébauche inachevée de l’image héréditaire. La Bible est l’image de Dieu qui s’efforce d’être concrétisée. Vous ne vous passerez point d’elle, car l’homme ne naît pas adulte, il naît petit enfant ; mais cependant, les promesses de Dieu se réalisent en lui dès le jour de sa naissance. Ainsi en est-il de la Bible entre la Genèse et l’Apocalypse, la vie de l’humanité est tracée depuis l’aube jusqu’au crépuscule. C’est volontairement que je n’ai pas dit : « depuis la nuit jusqu’à la nuit », ce qui pourrait paraître plus exact ; mais avant l’aube, ce n’est pas la nuit, après le crépuscule, ce n’est pas la nuit, quand il s’agit de la vie donnée par Dieu à ses fils ; c’est l’incomparable lumière céleste, la lumière spirituelle. L’homme en Dieu (et parce qu’il est éternel en Celui qui l’a créé) l’homme était, l’homme est, l’homme sera. Venu de Dieu, il retourne en Dieu, et durant ce trajet, boiteux, aveugle et sourd, il apprend à marcher droit, à voir, et à entendre, en suivant les directives du Livre vivant en quoi il possède la traduction simplifiée, paraphrase de la Loi divine. Si vous ne déterminez pas votre règle de conduite en lui donnant pour paragon la Bible, vous êtes à peu près certains de vous perdre dans ces dédales, où l’âme isolée poursuit un rêve, irréalisable, parce que sans fondement. Miroir fidèle, la Bible vous révèle le royaume de Dieu – ce que j’appellerai ainsi, c’est l’Amour ! l’Amour, tel qu’il s’épanouit aux sphères célestes, l’Amour, tel que la Maître des hommes l’attend de leur reconnaissance, enfin ressentie aux pieds de la Croix… là où le Fils de l’homme, « avec un grand cri, remit son Esprit entre les mains du Père ».
Maman, me suivras-tu, dans cette explication que je sens confuse et maladroite ? Pour mieux te faire comprendre ma « leçon de théologie »………………….
Pierre