Les "Lettres de Pierre" Extraits tome 5

 

     

 

 

                                                                                             21 août 1923      

        

     Nous commençons ici seulement à comprendre le sacrifice de Dieu en Christ pour l’amour des pêcheurs. Il est si rare que les hommes rendent justice à la décision ineffable de l’Omnipotence créatrice, lorsqu’elle se dit faiblesse, esclave, et martyre, pour arracher à son avilissement la créature conçue libre, forte et heureuse. L’incarnation du Juste parmi les pêcheurs fut rendue nécessaire, non seulement pour vaincre le mal qui, né dans la chair contaminait l’esprit, mais surtout pour combattre l’indifférence et l’apathie des âmes ; elles se souciaient si peu de la Vie éternelle, et si peu de l’amour dû au Dispensateur de toutes choses, qu’elles s’effritaient lamentablement durant l’existence terrestre, et parvenait aux sphères spirituelles, telles des fleurs fanées qui n’ont pas porté de fruits. Dieu fit la tentative suprême en montrant par son fils, Jésus, la stature admirable que l’homme pouvait atteindre, jusque dans la faiblesse et les infirmités de la chair, s’il faisait triompher l’esprit, souffle de vie divine par lequel il existe. En dépit de cet effort pour mettre à la portée de l’âme aveugle et dépourvue d’intelligence, le type réalisé de l’humanité selon l’idéologie du Créateur, elle ne sait pas encore ouvrir ses ailes, pour regagner les régions supérieures ; toutefois, elles lui sont accessibles, puisque Dieu l’avait destinée à les parcourir durant sa vie matérielle. Hélas, vos regards  se lèvent bien rarement jusqu’aux cimes immaculées de la pensée, de la connaissance et de la sagesse… les pieds humains ne foulent point leur sentiers – et cela malgré le Christ, malgré la rayonnante lumière que sa parole a projetée sur les horizons magnifiques que leur nonchaloir, seul, voile aux yeux des hommes.
     Voulez-vous enfin consoler Jésus de sa déception, et « continuer dans vos corps » l’œuvre de rédemption, rendue stérile par votre faute ? Il y a un moyen unique et tout-puissant : la prière… c'est-à-dire le contact intime et constant avec Dieu, Source jaillissante et éternelle. La prière est réellement le procédé d’union parfaite, et la preuve par excellence de la place dont Dieu a donné le privilège à Ses créatures, qu’il traite ainsi en alliées, en collaboratrices et en amies : « si vous avez la foi, demandez ce que vous voulez… »

     L’Eglise a multiplié les rites et les formes pour déguiser le vide que ses procédés trop matériels ont produit dans le culte que Dieu réclame. L’Eglise le sait bien : le soleil ne doit pas éclairer votre matin, votre midi, ni votre soir, sans vous trouver à genoux pour contempler la gloire de Dieu, puis debout pour travailler à l’œuvre spirituelle. L’Eglise institua le Sacrifice de la Messe : il représente, sous des gestes rituels, ces noces mystiques, que trop peu d’entre vous recherchent malgré les symboles, si j’ose le dire.  L’Eglise endort les âmes au lieu de les stimuler et de leur montrer la stupidité qu’il y a de manger en dilettantisme et non parce que la faim vous y incite.
      Mais si vous quittez les autels où se préserve une tradition dégénérée, et si vous allez vous asseoir dans la salle vide, dont les coutumiers d’un idéal spirituel abâtardi se sont éloignés, parce qu’ils n’ont pas su rencontrer dans la solitude et le silence, l’Epoux désiré par leur âme indolente, aurez-vous enfin retrouvé l’élan de l’Esprit et de la Vérité que réclame de vous le Dieu fait chair pour vous le démontrer ? Répondez ! répondez tous ! Et vous, prêtres revêtus d’ornements magnifiques ou drapés de noir, avez-vous consommé les noces sacrées de votre âme avec Dieu ? Avez-vous reçu, avez-vous donné, avez-vous puisé dans le trésor divin, avez-vous offert l’intérêt des richesses qui vous furent confiées ? Ah ! répondez !!...

     Tout le mal est là, je l’ai dit et je le répète : vous ne savez pas prier ! La prière et l’union eucharistique sont deux phases d’une grâce unique, et chaque prière doit vous conduire jusqu’en Dieu !

    

                                                                                                                                                  Ton petit Pierre

 

 

                                                                                                                                                   22 août 1923

            

     Oui ma petite Maman, monte ! monte ! monte !! Et cela ne signifie pas qu’il faille renoncer à la terre, à la vie du monde, à l’oeuvre de charité… ce fut l’erreur du Moyen Age, d’emprisonner les âmes mystiques dans un sanctuaire si fermé, qu’elles vivaient isolées des hommes au point de négliger le Vouloir de Dieu dans le devoir pour autrui. « Je ne te prie pas de les retirer du monde », telle fut la prière du Fils de Dieu, Initiateur conscient et plein d’amour, qui réclamait pour ses disciples la parfaite union mystique. Le culte spirituel, c’est l’envol de l’âme jusqu’aux demeures célestes, qui la retiendront un jour, sans doute, mais seulement lorsque le Maître des destinées aura dit : « Reste avec ceux qui ressemblent aux anges. »
     Il faut bien se souvenir que vous ne devez pas négliger l’enveloppe matérielle et terrestre qui vous fut donnée dans un but particulier, positif : « vous apprendre l’oubli de soi, et la valeur du prochain devant Dieu ». J’entends vous mettre en garde contre la folie qu’il y a de songer au salut de son âme dans l’oubli du salut fraternel. Vous devez donc comprendre et pratiquer la pure religion spirituelle, sans oublier la qualité trinitaire de l’être : esprit, âme et corps… l’esprit lumière de l’âme, l’âme lumière du corps, et (puisque Dieu vous a placés pour un temps sur une terre douloureuse et belle) ne pas faire vivre l’âme au dépend du corps. L’ascèse est une joie, l’ascétisme un devoir, qui doivent vous conduire à la mysticité spirituelle, indispensable et sage : vous ne les séparerez point, puisque sans ascétisme l’homme ignorera le sens de la mysticité, et sans mysticité l’homme ne soutiendra point l’ascétisme.


                                                                                                                                                    Ton PIerre

 

 

                                                                                                                                                     1er septembre 1923

    

     Oh ! Maman, Maman, ma petite Maman, le revoir prochain sera plus doux encore ! sans appréhension pour un lendemain, sans tristesse devant la fugitivité des joies, reconnaissant et paisible comme la sécurité qu’éprouve le voyageur arrivé au port, après une traversée dans la tempête…  « Il n’y a plus là ni deuils, ni cris, ni larmes et la mort n’est plus ».
     Je ne voulais pas reprendre ma mission avant de t’avoir prouvé que, moi non plus, je n’oublie pas… Je n’oublie rien ! ni ma souffrance, ni ma tristesse, ni mon émotion, ni la tienne, ni ta voix, ni ton regard… rien ! je n’oublie rien ! Je suis éternellement maître de mes souvenirs, qui m’enrichissent pour la vie de mon âme, des multiples effets suscités par toutes ces causes. S’il en était autrement, l’existence de l’homme serait « une mauvaise plaisanterie »… une cruelle plaisanterie ! et Dieu règnerait pour opprimer et déchirer les âmes de Ses créatures. Mais non, ma bien-aimée, « celui qui sème avec des larmes moissonnera avec des chants de triomphe… » et Dieu est Amour.
     Ces deux vérités essentielles, sont la meilleure preuve de l’excentricité de la conception des Eglises dégénérées : je prends ce mot « excentricité » dans son sens exact, qui veut dire que la pensée religieuse s’est écartée de son centre vital : la Charité ; Dieu est la Charité par excellence ; il l’a définie en Christ. Saint Paul avait bien compris tous les motifs de Dieu, et le sens de la religion utile à l’homme ; dans une admirable définition, il a démontré la prééminence sans rivale de la Charité : sciences, arts, puissance, sagesse, capacités de l’intelligence et du cœur… tout ce qui fait l’importance de la vie irradie autour de la Charité, ou bien ne s’en éloigne que momentanément, et pour y revenir plus riche des sacrifices consentis, qui prouvent que, loin de l’amour, l’âme vivrait misérable et puérile, sans vertu, sans passé, sans présent, sans avenir.
     La Charité, n’est-ce pas le reflet même de Dieu ? Sans la charité, rien n’existe  qui puisse durer, car l’homme ne pratiquera les plaisirs dépouillés de l’amour, que pour échouer dans le néant. Voilà pourquoi j’ai voulu vous montrer dans l’Amour, l’unique raison d’exister.
     Hélas ! l’Eglise multiplie les cérémonies et les pénitences d’une part, et d’une autre les discours et les remontrances… mais sans la Charité tout cela n’est que la  «  poursuite du vent » dont a parlé le Sage antique. Que dit l’apôtre – le témoin le plus proche des réalités du monde post-mortem, puisque la Christ déjà retourné dans sa gloire, lui avait fait prêter le serment de fidélité au mariage sacré ? « La Charité est patiente et douce ; point envieuse, ni insolente, ni orgueilleuse ; elle ne cherche pas son intérêt et ne s’aigrit point… » et même (ah ! que vos oreilles s’ouvrent ! bergers dépourvus de conscience et de docilité chrétienne) « la Charité excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout… » Continuez à lire et méditer : « Il y a trois grandes choses : la Foi, l’Espérance et la Charité. » Pourquoi donc cela ? L’Espérance sera changée en certitude ; imparfaite, elle atteindra la perfection ! La Foi ? Quand même vous auriez la Foi jusqu’à transporter les montagnes, sans la Charité vous ne serez rien !! Une seule chose ne périra jamais : la Charité car la Charité c’est Dieu ». Comment la préexcellence de la Charité ferait-elle un doute ?...
     En vous rappelant ces textes, qui restent pour vous la charte même du Royaume de Dieu, j’ai voulu rassurer votre pensée religieuse, et montrer comme idéal de la vie chrétienne, ce déploiement de charité qui fait ressembler l’existence terrestre à celle du Ciel. Or, pour pratiquer la parfaite charité, il faut se détacher de tout ce qui l’épuise et la ruine : l’impatience, l’envie, l’orgueil, l’irritation et l’égoïsme… en résumé, se renoncer soi-même, puisque l’amour de soi est la cause de toutes ces faiblesses !

     Je tâcherai de t’expliquer plus clairement ma pensée, Maman chérie, elle résume l’enseignement des anges.


                                                                                                                                                    PIerre

 

 

                                                                                                                                                    19 septembre 1923

    Maman chérie,

     Il résulte de tout ce que je dis et redis, que l’inconsidération du bonheur et du bien d’autrui est un des plus grands péchés qui soient… je pourrais presque écrire : le grand péché de votre existence. Passer, sans prêter attention aux conséquences de son attitude, de ses actes ou de ses paroles, qui sont susceptibles de blesser un cœur, de fausser une conscience, de meurtrir une âme, affaiblir un esprit, c’est un crime quotidien auquel vous attachez trop peu d’importance… Quel aveuglement !
     Ce manque de charité est la conséquence et la cause du méchant utilitarisme de vos pensées, qui méprise les droits d’autrui ; c’est une manifestation constante de l’égoïsme, qui peut prendre des formes multiples, plus ou moins graves sans doute, mais néanmoins mettant toutes en jeu la plus grande de vos responsabilités : celles que vous avez vis-à-vis de vos frères.

     Dans mon message actuel je voudrais insister sur un point : « la charité est pleine de bonté, et ne cherche pas son intérêt… » ; à quoi servent vos efforts que vous appelez charitables ? A quoi servent-ils devant Dieu, si vous négligez la première et la plus grande charité : ne pas faire de peine à votre frère. C’est à dessein que j’ai choisi ce trait délicat de la vraie charité, car ses conséquences sont capitales, puisque c’est la pivot autour duquel tourne toute la roue de la charité chrétienne. Donner ses richesses, et son corps lui-même pour secourir les pauvres, ne représente aucun mérite devant Dieu, si le bienfaiteur des malheureux n’a pas le cœur saturé de charité.

    
                                                                                                                                                    

 

 

                                                                                                                                                    7 octobre 1923

    

     Oui, ma chère petite Maman, il a fallu consacrer mes efforts spirituels à une autre tâche que le message de tendresse qui m’est si doux. L’activité de notre monde est considérable, et rien sur la terre ne peut vous en donner l’idée. Les œuvres de relèvement dont quelques-uns parmi vous s’occupent, vous offriront une vague comparaison avec celles auxquelles nous nous consacrons, dans la sphère christique où j’ai demandé de garder une place qui facilite ma mission fidèle auprès de mes plus aimés. Evidemment, mon départ ne m’empêcherait pas de t’entourer de mon amour ; il ne saurait être question pour nous d’une diminution dans le sentiment d’aimer : tout au contraire ! la plante d’Amour soigneusement cultivée devient un arbre aux robustes rameaux, qui grandit, s’élargit, et fait plonger ses racines plus profondément  dans l’ambiance où vivent ceux que Dieu nous a confiés. Reconnais-tu, Maman, les moyens incomparables dont ce Père miséricordieux et compatissant, devant ce besoin d’amour inassouvi qui déchire les cœurs humains, et qui fait tendre les bras désolés et désespérés de nos mères à genoux sur les tombes closes ? Il enrichit sans cesse le trésor où les hommes viennent puiser la consolation et la confiance. Cependant notre sacerdoce ne saurait être limité exclusivement  aux désirs de nos amis terrestres : nous avons reçu la grande leçon de la parfaite charité, qui a pour cause initiale la solidarité, et si la tendresse prédilectoire est permise aux serviteurs  spirituels de la Maison de Dieu, il n’en ai pas moins vrai  que cette prédilection ne doit pas engendrer l’indifférence pour les autres frères du Messie ! Nous nous devons tous à tous et nous devons tout à tous. Or parfois le maître – archange, ange, puissance de la hiérarchie céleste – qui représente pour nous ici l’officier responsable, dans un régiment, en voyant un cas urgent, œuvre de salut, œuvre de consolation et d’appel… en un mot, œuvre de charité, qui se présente et réclame notre appui, ce maître nous retient pendant ce qui représente pour vous sur la terre une minute, une heure, une journée, ou plus encore ; vous avez alors l’illusion que nous nous éloignons de vous. Le cœur se vide, l’âme erre anxieuse,  et vous vous croyez seul… Courage, courage mes frères ! vous n’êtes point abandonnés ! tout à l’heure vous éprouverez la douce joie du revoir spirituel… la présence se fera de nouveau sentir, fidèle et sans changement, et votre esprit retrouvera le chemin qui le conduit aux graves questions vitales. Ne te désole donc pas, petite maman, lorsque, brusquement, tu  cesses de m’entendre ! ferme paisiblement ce cahier, pose ton crayon inutile, et laisse ta pensée, toujours soumise, s’élever jusqu’aux régions où s’élabore le plan divin… « J’ai appris à être dans la disette ; je sais aussi être dans l’abondance ; j’ai appris à être rassasié et à avoir faim », disait l’apôtre ; transportez cette confiance jusqu’aux expériences de l’esprit, et vous pourrez ajouter comme il le fit lui-même : « Je puis tout par Christ qui me fortifie ».


                                                                                                                                                    Ton petit Pierre

 

 

                                                                                                                                                    24 octobre 1923

      

          L’inspiration n’est pas un privilège…ou plutôt  c’est un privilège qui est accordé à tous les hommes, car Dieu ne fait pas deux parties entre les fils de son Amour. Vous avez cependant plus ou moins bien réalisé que vous subissez la douce influence spirituelle ; mais cela provient uniquement de la négligence dans votre culte. Celui qui prie, non point comme un automate, mais avec tout l’élan de son désir sincère, celui-là est un « inspiré ». ; celui qui lutte contre la chair pour la prédominance de l’esprit est, lui aussi, un inspiré. L’inspiration, c’est l’effluence de l’esprit sur l’esprit, et vous reconnaissez que votre prochain lui-même peut vous inspirer ; il n’est donc pas indispensable que l’inspiration soit supraterrestre pour se produire. L’échange des énergies, c’est la formule effectrice de l’inspiration ; or cet échange n’est pas limité, il est général, non seulement entre Dieu et l’homme ou entre les hommes, mais comme je l’ai déjà dit, la matière elle-même produit l’énergie vivante qui contribue à l’échange constant, sans lequel la vie s’éteindrait. Il y aurait des exemples bien faciles à choisir pour objectiver ce procédé, qui est tout autant spirituel que matériel, et les naissances, fût-ce celles des formes extérieures ou des formes-pensées (j’emploie ce mot au substantif) ne sont pas autre chose que le résultat d’échanges d’énergie. Mais la fongibilité n’existe pas dans l’œuvre divine, et la création en est une preuve indéniable, car vous êtes le plus souvent les témoins ou les acteurs délibérés de ces échanges, à la fois effets et causes.


                                                                                                                                                   Pierre

 

 

                                                                                                                                                   28 octobre 1923

 

     Ma chérie Maman,    

     J’ai parlé des anges… pourquoi négligez-vous ces puissants, ces précieux auxiliaires qui, « au service de Dieu, sont envoyés pour exercer leur ministère en faveur des hommes ». Les anges sont des esprits… qu’êtes-vous donc, vous, destinés à leur ressemblance ? Ô « multitude de l’armée céleste » multitude dont fait partie ton petit Pierre, Maman mienne, ô chœur immense, qui magnifie le Dieu Eternel et Vivant (quel nom incomparablement grand !) ô légions glorieuses, que le Fils de Dieu savait prêtes à Le défendre ! vous qui devez revenir avec le Fils de l’homme quand l’heure sera venue, l’heure grandiose et mystérieuse que Dieu seul connaît ! ô lumineux habitants des provinces de l’Amour-Roi, que de chrétiens négligent votre secours, votre puissance, votre concours, votre incomparable dévouement ! Que de chrétiens relèguent au rang des superstitions désuètes, le rôle protecteur des anges attachés à les instruire ; Jésus « qui disait cependant ce qu’il avait vu chez le Père », affirmait que « les anges des petits enfants contemplent la Face de Dieu… » Est-il besoin d’un autre témoignage ? Comment pouvez-vous oublier « la joie des anges à la conversion du pêcheur » ?

     Si ces preuves (qui abondent  dans l’Evangile) que les anges sont « des esprits qui exercent leur ministère en faveur des hommes », ne suffisent pas à vous faire comprendre qu’il est légitime de compter sur eux, quelle est la croyance, quel est le dogme mieux authentiqués ? et pourquoi vous plaisez-vous à croire au pardon divin, à l’amour du Père, à la justice présidant au jugement, à la vie post-mortem, à sa durée éternelle ? Celui qui a dit : « Dieu pardonne, Dieu aime, Dieu retirera les méchants d’avec les bons, Dieu vous donnera la Vie éternelle, a dit aussi, et avec la même autorité : «  les anges rassembleront les élus, le Fils de l’homme enverra ses anges ; ils sont les moissonneurs dans la moisson du Maître ; ils sépareront les justes des coupables » ; et lorsque le Christ glorifié, dans la plus ineffable des visions révélatrices apparut devant son apôtre bien-aimé, il conclut la leçon spirituelle en lui disant : « Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange pour attester ces choses… Je viens bientôt.
     Si j’insiste ainsi sur la mission des anges, c’est parce qu’elle justifie nos propres efforts, et légalise notre signature. Le Fils divin a répondu à la question d’un sceptique : « A la résurrection, les morts deviennent pareils aux anges » ; « Celui qui croit, quand même il serait mort, vivra ». Nous sommes vivants, et nous partageons la vie et les occupations des anges… je vous l’affirme ! je vous l’affirme !!
                                                                                                                                    Pierre

                                                                                                                                                 

 

 

                                                                                                                                                    Les Rameaux, 13 avril 1924

     Chère Maman,  

     Il est si beau, ce rôle de l’Eglise libérée ! Il est si grave et si tendre, le culte des esprits ! c’est la Charité dans l’Amour : la réalisation active et pratique des deux grands commandements. Qui comprendrait la Volonté de Dieu rappelant pour les vouer au bonheur égoïste, les jeunes âmes qui, par amour de leurs frères, s’étaient décidées au sacrifice ? Serait-ce logique devant la miséricorde divine de croire à cette diminution dans la vocation des esprits consacrés ? Nous étions prêts à souffrir de toutes les souffrances, à mourir d’une mort cruelle, dans un but de parfait amour fraternel… et Dieu nous condamnerait à l’égoïsme de la joie sans souvenirs, sans sympathie, sans compassion ! Rejetez loin de votre pensée ce blasphème contre l’Amour Ineffable, mes bien-aimés ; Dieu désormais fait consister notre bonheur à la considération de notre sacrifice : nous sommes morts pour obéir à la loi sainte de l’Amour, et derechef nous voici tous les serviteurs enthousiastes de l’Amour même, Christ. Dieu nous envoie vers ceux que nous avons laissés dans les larmes, les souffrances, les angoisses, et devant la mort ; Dieu nous envoie à nos plus aimés entre les aimés… à tous ceux, en un mot, dont nous partagions la vie sur terre ; Dieu nous envoie pour vous redire, dans le tréfonds de votre conscience, la Victoire de Jésus et la signification de la Croix !   
                                                                                                                                                 

 

                                                                                                                                                    24 avril 1924

               Ma petite maman,

     Le monde est si rempli du bruit de la haine, de la concupiscence, de l’avarice… de tous les désirs mauvais, en somme, que la Voix de Dieu Lui-même n’arrive pas à dominer ce tumulte dégradant. L’Evangile est rejeté, repoussé, critiqué ! et les appels à la pénitence et à la charité semblent ridiculement démodés : ils tombent en désuétude… ils restent l’apanage et le privilège de bien peu d’âmes, simples, ou tout au moins choisies. Comment pourrions-nous faire entendre nos trop faibles accents, si pleins d’anxieuse tendresse cependant ? Seuls les affligés ont parfois conscience de la nécessité d’une vie spirituelle et consacrée…mais les heureux songent aux jouissances immédiates !... ils n’apportent aucune aide aux constructeurs de la cité sainte de l’âme. C’est comme une ronde où sont entraînées les foules, le rire aux lèvres et l’âpre décision de la luxure au cœur… Hélas ! dans les rangs de ces damnés de la joie mauvaise et des faciles voluptés, les hommes qui font semblant d’être chrétiens sont en grand nombre ! Oui, ceux qui ont participé à la Chair et au Sang du Fils de Dieu, ceux qui ont levé la main et ont juré par la Croix d’un Sauveur, l’obéissance au commandement éternel : « Tu aimeras ! » ceux-là se mêlent aux ignorants et aux renégats……


                                                                                                                                                    Un réssuscité...

 

 

                                                                                                                                                    18 mai 1924

             

     Maman, mienne

     Vous demandez ce que nous sommes ? – « Des messagers de l’Amour divin et des artisans de l’amour fraternel ! » Vous désirez connaître notre vie ? – « Nous aimons… » Nos demeures ? – « Une concentration de l’âme pleine d’amour ». Les paysages du Ciel ? – « Les gestes de l’Amour dont les effets s’épanouissent, telles des fleurs merveilleuses et parfumées… » En un mot nous sommes semblables aux anges »   , serviteurs de Dieu au bénéfice de la terre et nous sommes « Les vivants » après avoir été des morts. La jouissance ineffable d’un amour sans reprise, d’un amour toujours plus grand, un amour dont le joie est de se renoncer pour s’agrandir encore, est notre partage ; cette jouissance vous est accordée sur la terre si vous savez la mériter.


                                                                                                                                                    Votre Pierre

 

 

                                                                                                                                                    29 mai 1924

              

     Ma chère Maman,

     La raison principale de votre faiblesse et des médiocres effets de votre foi, c’est l’arrêt que vous opposez à tout élargissement de la religion… cela au nom de la révélation évangélique ! Je te le disais dans un de mes derniers messages, et ce point est si capital que je désire le toucher encore dans cette lettre-ci : Votre peur irraisonnée du progrès dans la connaissance, limite étroitement la pensée religieuse ; et l’inévitable résultat de cette stagnation, c’est que l’intelligence humaine refuse de s’arrêter sur un rocher, d’où il ne lui est permis de considérer qu’à distance les horizons, dont cependant elle se sent capable de franchir les brumes, pour atteindre, au-dessus la lumière.
     Pourquoi condamner la conscience humaine à ce repliement de ses possibilités et de ses saines curiosités ? alors que dans toutes les sciences et dans toutes les philosophies, il est licite de se servir des biens acquis pour constituer une fortune, à faire valoir,et non point à ensevelir. Vous pratiquez, en ce qui concerne la foi et les destinées de l’âme, la méthode d’un paysan qui conserve ses économies et celles de ses pères dans un bas de laine. A quoi lui sert cette richesse qui est pourtant le fruit d’un effort, s’il ne se décide point à élargir son patrimoine – pour affronter l’inconnu et les alternatives possibles entre l’échec et le succès, sans doute – mais n’est-ce pas cela même qui constitue la vie ? Or du fait de l’habitude traditionnelle et paresseuse, vous maintenez vos âmes dans un état de somnolence qui ressemble plus à la mort qu’à la vie.


                                                                                                                                                     PIerre

 

 

                                                                                                                                                    16 août 1924

      Chère Maman

      Apprenez à obéir ! et pour cela, demandez au Père qui est votre Maître l’esprit de simplicité. L’obéissance, en effet, est un devoir humble, un devoir magnifique, que l’Amour commande : pour arriver à la sereine obéissance, demandez à votre Père l’esprit d’Amour. C’est toute la trame de la vie de Jésus parmi les hommes, mais, trop souvent, vous laissez de côté cette sublime obligation de l’obéissance… dans votre orgueil naturel qui vous pousse à commander et non point à obéir, vous la trouver inférieure. Obéir, c’est servir : « Le Fils de l’homme est venu pour servir », disait le Fils de Dieu. Servir, vous semble une tâche humiliante, parce que vous n’êtes pas simples… demandez l’esprit de simplicité. Servir ne veut pas dire  « abdiquer », mais commander à sa volonté, à son amour-propre. Servir c’est « aimer »… demandez l’esprit d’Amour.
     « Que ta volonté soit faite sur le terre comme au ciel… » la Volonté divine dans la vie céleste, c’est l’accomplissement de l’Amour.

     Chère Maman, je le sais bien, j’aurais été saisi par le désespoir devant une tâche qui dépassait mes possibilités physiques et morales, si je n’avais pas reçu de mon Sauveur une éblouissante lumière, qui m’a fait comprendre la véritable signification de sa prière, pleine de riches promesses : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ! », et si je n’avais pas trouvé dans ma conscience, bouleversée par la destinée de ma génération choisie pour être l’Agneau pascal, le sens radieux des paroles de Celui qui « donnait l’exemple » : « je suis doux et humble de cœur ».
     Ah ! mes frères tant aimés, je ne puis pas vous dire… je ne dois pas vous dire, si votre vie se heurtera à d’aussi puissants obstacles…mais souvenez-vous que nulle existence humaine ne sera jamais aussi douloureuse et tragique, que ne fut celle de votre Maître !
                                                               
     Simplicité !... Amour !... tout l’Evangile.


                                                                                                                                                     Ton Pierre

 

 

                                                                                                                                                    30 août 1924

      Chère Maman,

      Oui, Mienne, ton Pierre est avec toi, autour de toi, en toi… partout ! l’amour n’est pas retenu par des barrières… l’amour filtre toujours ! l’amour enveloppe ! l’amour réchauffe ! l’amour de ton enfant t’environne ! et ton âme est comme l’amande d’un fruit, pleine de sève généreuse et féconde.
     Chérie, tu peux avoir foi dans cet amour, qui est l’accomplissement de la Volonté de Dieu envers les hommes !

     Je rends grâces à Dieu, mes bien-aimés ! je suis heureux de pouvoir vous le dire… Il faut que votre foi subvienne à votre faiblesse ; il faut que vous cherchiez en vous-mêmes la preuve de l’indéfectibilité éternelle de l’Amour….

     Je vous laisse sonder les abîmes tragiques du souvenir, mes aimés les plus chers… je vous laisse découvrir les profondeurs infinies de l’Amour… seulement, une fois encore je vous redis :
     Amen ! Amen ! Laus Deo !
                                                                                                                                                    PIerre

 

 

                                                                                                                                                   22 février 1925

    Maman mienne,

     Je t’ai déjà parlé du Silence, et c’est encore de sa majesté que je désire t’entretenir dans ce message.
A quel point vous comprenez mal, et que vous profitez peu de cette capacité de faire silence en soi, et par cela même d’éloigner de votre âme les bruits de la terre… voix du Monde, criarde et belliqueuse ! Le Silence est à vous, quelle que soit l’ambiance où vous poursuivez votre trépidante carrière ; rien ne peut vous en priver, ni vous déposséder de ce refuge contre les attaques sournoises de l’ennemi de toute évolution sérieuse… c’est-à-dire : la dispersion des pensées, annulation de la volonté personnelle qui constitue votre individualité en face des lois communes à toute race. Qui vous dira, mes bien-aimés : « Retirez-vous ! la porte est close ! » Nul n’en a le droit, puisque vous seuls êtes les propriétaires du temple qui est votre âme elle-même, reine et régente du royaume sacré de votre être responsable et libre.

     Le Silence est un prophète ; le Silence est un docteur ; le Silence est un médecin ; le Silence est un maître ; ne repoussez jamais ses conseils bénis. Il a les lèvres closes, mais les battements réguliers d’un cœur plein d’amour qui parlent aux néophytes quand ils ont pénétré dans cette lumière qui verse la paix, et prépare l’action subsidiaire, si je puis dire.
     Oui Maman, nous comprenons ici le trésor ineffable dont s’enrichit une âme qui recherche le Silence. Trop de mystiques, hélas, ont profané ses bras, en s’y reposant pour trouver des grâces personnelles et presque matérielles ! Trop d’indifférents se réfugient sous son égide pour échapper aux responsabilités de l’altruisme… mais ceux-là sont des coupables, des sacrilèges. Le Silence est un temple où l’on prend conscience de la Volonté du Roi des rois – en résumé : où l’homme entre en contact avec le Christ. Voilà pourquoi ce Silence ineffable est pour nous un sacerdoce, qui nous unit à notre Frère, Jésus, et à nos frères les hommes (ceux qui sont au Ciel et ceux qui sont sur la terre). Si vous saviez vivre plus souvent dans l’atmosphère radieuse du Silence, notre communion serait plus facilement réalisée, et vous auriez la vision stimulante du Ciel ouvert, et des anges de Dieu montant et descendant entre le Trône – où  ils transportent les prières de la charité et de l’amour jusqu’à Dieu – et les âmes qui s’élèvent, par une pensée de renoncement et d’obéissance, mais non point par la recherche égoïste d’un salut personnel.

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                                                                                                                                                   Ton Pierre

 

 

                                                                                                                                                    Pâques 1925

                Chère Maman bien aimée, 

     Ce qui vous manque pour pouvoir réaliser quotidiennement cette communion des esprits, c’est la foi. Nous sommes le plus souvent obligés de forcer votre confiance et votre jugement ; mille prétextes divers vous servent pour écarter – comme on fuit une erreur dangereuse – le soupçon, sinon la certitude de la joie, que Dieu pourtant accorde à ses enfants pour les consoler dans leur exil et leurs épreuves. « Dieu n’est pas le Dieu des morts »… ces paroles ineffables ne sortirent-elles pas des lèvres mêmes du Révélateur divin ? A-t-Il dit que les grands voyageurs du passé terrestre, Abraham, Isaac et Jacob, attendaient dans leur sépulcre sa propre résurrection ? Non pas ! Par son sacrifice, qui le tenait captif dans la chair, il démontra la vérité des vérités : la vie terrestre est un simple épisode dans l’histoire éternelle de l’esprit, Fils de Dieu.

    Ceux qui ont abandonné le corps périssable, vêtement incommode et engonçant, sont des vivants ! Parmi les chrétiens, il n’en est point que la Résurrection, mise en évidence par leur Maître, ne rassure et ne console au bord de la tombe close sur leurs bien-aimés ; et pourtant, ils n’ont pas saisi les mains qui se tendent vers les leurs… sinon par la foi, et dans l’espérance d’un avenir plus ou moins lointain. Ne dites pas non ! nous nous penchons avec tant d’anxiété vers vos âmes aimantes, que nous y lisons comme dans un livre ouvert et facile. Oui, certes, vous croyez à la Résurrection ! mais croyez-vous à notre résurrection déjà agissante ?... croyez-vous que jamais nous ne «  sommes morts », dans le sens où votre douleur comprend ce terme, déformé par vos traditions, qui restent matérialistes jusque dans leur spiritualité ?...


                                                                                                                                                    Pierre

 

 

                                                                                                                                                    27 septembre 1925

     Ma petite Maman,

     Pourquoi les hésitations de certains croyants devant la réalisation du plan de Dieu ? Pourquoi la science religieuse elle-même réprouve-t-elle la sainte communion universelle ? Nous souffrons, vois-tu, quand nous lisons cette méfiance ou cette surprise dans la subconscience des frères que nous devons inspirer ; ils se prétendent convaincus de notre assistance fidèle, mais ils en discutent âprement les moyens… ah ! quelle faiblesse dans la certitude de leur foi !
     Je l’affirme ici, avec un ardent désir de me faire entendre : l’œuvre de Dieu ne s’est jamais passée de l’intermédiaire des hommes pour agir sur l’esprit des hommes ; c’est la méthode de rédemption choisie par un Père et non par un monarque autoritaire, fier de son importance ; non ! Dieu n’est pas fier ! Dieu aime.  


                                                                                                                                                    Pierre

 

 

                                                                                                                                                    6 octobre 1925

            Maman chérie,

          Le monde spirituel n’est pas dans un lointain inaccessible à votre humanité encore incarnée ! Le monde spirituel vous « environne », ainsi que l’a révélé l’Esprit-Saint au disciple fidèle du Roi céleste ; il écrit, aux premiers jours, de la vie renouvelée par cette vérité dévoilée : « Les témoins vous environnent comme une nuée ». Le monde spirituel est « autour de vous, au-dedans de vous » ; et si vous vous sentez en dehors, isolés et troublés, c’est que vous ne savez point prendre cette place que Dieu vous a confiée… je dis bien : confiée ; elle vous appartient, nul autre la prendra ; si vous ne la remplissez pas, elle demeurera vide, anneau faible et dangereux dans la chaîne de notre race, qui est une unité composée. Les moyens spirituels, les occupations d’agir au sens spirituel, les visées et les horizons spirituels vous sont accessibles… vous n’avez qu’à marcher, à regarder, à prêter l’oreille, puis à pratiquer. C’est dans la vie quotidienne que vous exercerez vos membres sur-matériels, car il ne faut pas attendre de devenir esprits dégagés, pour vivre en esprits, puisqu’esprits, vous l’êtes.

                                                            
                                                                                                                                                  Ton Pierre.

 

 

                                                                                                                                                    23 octobre 1925 

             Je m’adresse ici à toute l’Eglise chrétienne, quel que soit le nom dont vous la baptisez sur terre : romaine, orthodoxe, ou protestante…toute l’Eglise, que vous divisez, et que vous mutilez par cette division ; n’en comprenez-vous pas la réaction sur les foules attentives, toujours prêtes à la critique qui se scandalisent ou qui raillent devant l’attitude incohérente des chrétiens : « Un seul Dieu, un seul Evangile, une foi basée sur les paroles d’un Maître unique, et les expériences d’un passé désormais « officiel », si je puis dire… vous vous égaillez dans les moissons ! Vos chemins vous éloignent du but, parce que vous négligez de suivre la seule route qui conduit à Dieu… quelle inconséquence ! Elle est la cause de cette incompréhensible faiblesse de l’Eglise devant le Mal triomphant.
     « Vous dormez et vous vous reposez !!! » A quoi servent vos bonnes œuvres ? A quoi le jeûne et les prières d’où votre âme est absente ? A quoi ce repentir, que vous écartez pour un peu d’or ? A quoi ce culte froid et stérile ? Croyez-vous tromper votre Dieu ? Prenez garde ! car lorsque vous approcherez du Christ, qui pleure et qui prie pour vous à Gethsémané, en lui disant comme Judas : « Maître ! Maître ! Joie te soit », Jésus vous parlera : « Amis, est-ce pour un baiser que vous livrez le Fils de l’homme ? »

 

 

 

                                                                                                                                                    30 novembre 1925

     Maman, chérie,
 
      Je le dis encore : il existe dans votre être complet, un double courant de vie organique (car dans ce sens vous pouvez sans erreur parler des membres spirituels). Il y a, vous dit saint Paul, « un corps terrestre et un corps céleste » ; mais je dirais même mieux, et en suivant les paroles de l’apôtre plus textuellement :  « Il y a un corps ayant l’âme, et il y a un corps ayant l’esprit ; l’homme est semé corps ayant l’âme, et il se réveille corps ayant l’esprit ; celui qui a l’esprit n’est pas le premier, c’est celui qui a l’âme ; ensuite celui qui a l’esprit ».
     J’ai déjà attiré ton attention sur cette traduction de l’Epître, plus exacte assurément, mais qui a été laissée de côté car elle troublait beaucoup les exégètes. Cependant, si tu médites cette page, je préfère que tu choisisses la version ci-dessus ; elle est absolument d’accord avec la Genèse, et par cela même, il est sans contredit désirable de s’y reporter.


                                                                                                                                                   Pierre

 

 

                                                                                                                                                    21 mars 1926

              Chère Maman,

              J’ai tenu à tracer pour toi un tableau simple et compréhensible de la faiblesse qui nous désole. Mais il est indispensable de s’élever bien au-dessus du monde des sens et de la matière, pour réaliser le dommage (non pas irrémédiable certes, mais navrant) qui fut ainsi causé à la lumineuse spiritualité. Aux heures de notre souffrance commune, mes bien-aimés, ne semblait-il pas que la plus magnifique empsychose s’était produite, et créait à nouveau « l’homme terrestre selon l’idéologie divine » : l’esprit commandait, le corps agissait. Pourquoi n’avoir pas continué la bataille, les armes à la main, puisque nous vous avons souligné la mobilisation des Fils du Malin, qui cherchaient leur revanche ? C’est que l’Eglise n’a pas maintenu déployé son étendard victorieux…Je l’affirme ! nous avons été les témoins occultes de la tension qui se produisait entre vos âmes attendries, et l’indifférence de la Mère naturelle que, dolentes et blessées, elles appelaient à leur secours. L’Eglise a reçu des messages pressants et lumineux, que les grands esprits de nos sphères ont adressé tout particulièrement aux conducteurs et aux responsables… mais ils ne se sont point levés, menaçants et prophétiques comme les hommes de Dieu dans l’ancienne Alliance, pour crier aux masses égarées la proximité du danger et les ordres nouveaux du Maître. Ce n’est pas un « Dieu irae » que devait entonner l’Eglise, mais un adorable « Pie Jesu », plein d’amour et de confiance. Les âmes attendaient !... espéraient !...les âmes souffraient !...les âmes étaient prêtes au repentir et à l’amour !...
     Mais il n’est pas trop tard pour répondre au désir du Père miséricordieux… Il guette le retour des enfants prodigues, et nous venons, tels des porte-flambeaux, jusqu’au centre de la nuée qui vous étouffe… Ah ! saisissez nos mains, mes bien-aimés ! et jetez-vous hardiment dans la lutte… il en est temps encore, puisque Dieu promet la victoire à ceux qui croient. Il faut croire à Jésus, l’Amour… ce n’est pas par la haine, c’est par l’Amour que vous triompherez.
     « Heureux ceux qui ont faim et soif de la  justice, ils seront rassasiés ».


                                                                                                                                                   Ton petit Pierre  

 

 

                                                                                                                                                    7 septembre 1926

                           

     Tu vois Maman ce que j’ai voulu dire : c’est qu’il n’y a pas deux parts dans la Vie éternelle – je puis même dire qu’il n’y a pas trois parts dans l’homme, puisqu’il vit depuis toujours et pour toujours. Je t’ai parlé du mystère de la création des âmes, et je t’ai expliqué comment l’âme individuelle est engendrée par les parents, qui portent ainsi toute responsabilité, dans chaque cas particulier et dans les conséquences d’un atavisme à transmettre. Cependant, il faut bien réaliser que ce fait n’exclut pas l’éternité de la race, et que le privilège potentiel d’engendrement accordé à l’homme, est simplement l’autorisation de se servir des forces créées par Dieu pour réaliser une oeuvre concrète. Sans cela l’homme ne serait plus seulement un engendreur mais un créateur. La vie octroyée par Dieu à la matière spirituelle, puis-je dire, constitue la parenté divine. N’est-ce point Dieu qui a créé les corps (j’entends ici les corps matériels) et cependant ils sont nés de la volonté et des œuvres de l’homme. Il en est de même des âmes.

     Ainsi, l’éternité antérieure des âmes ne réside point dans l’âme, mais dans le souffle divin qui l’anime ; et, de même que le corps privé de l’esprit meurt, l’âme qui ne serait point animée par l’Esprit cesserait d’exister. Il résulte de ceci que la vie répandue dans l’univers et qui prend sa source en Dieu, est la cause d’éternité. Nous héritons la nature de Dieu dans le sens congénital, avant même de faire partie de la descendance et de l’héritage humain. Quand nous naissons dans la chair, c’est que les parents qui nous ont engendrés ont utilisé les matériaux donnés par Dieu ; ils les ont concentrés pour les individualiser, selon les lois voulues par le Créateur, et l’éternité existe pour nous avant notre expérience ; de même, quand nos mortels ont subi la corruption, notre désagrégation matérielle n’interrompt en rien notre immortalité.


                                                                                                                                                    Pierre

 

 

                                                                                                                                                    16 janvier 1927

     Voilà l’erreur capitale de l’homme : il se plaint, s’étonne, et même se révolte contre la destinée qu’il traite d’aveugle, alors que lui seul est responsable du désordre contre lequel il s’élève, puisqu’il manque à la condition sine qua non pour prendre possession de la richesse annoncée – l’Amour envers Dieu.
     Vous aimez en dilettante… quand cela vous plaît, et quand vous n’y voyez pas un obstacle à vos préférences ; sans doute, vous aimez Celui qui vous donne ce que vous appelez exclusivement « les joies de la vie », car vous savez tous qu’Il peut reprendre ces biens périssables, et « il est prudent de ne pas irriter le Tout-Puissant !...  Oh ! quel amour égoïste, indigne !!

                                                                                                                                                  

 

 

                                                                                                                                                    16 avril 1927

               Chère Maman aimée,

              Vous faites parfois une expérience, qui est comme l’embryon du fait que j’exprime ; c’est ce que vous appelez : une rêve prémonitoire, où un évènement qui n’a pas encore eu lieu, se déroule comme un tableau vivant, parlant, lucide, devant le dormeur, qui reste confondu lorsque, plus tard, son rêve se reproduit dans ses moindres détails. Momentanément, et exceptionnellement pour l’esprit incarné, il s’est dégagé du poids mort de la matière… il a pris la liberté spirituelle qui est ici la nôtre. Il est donc très explicable et normal, que l’Esprit-Saint – voire même un esprit des hautes sphères – ait pu dévoiler aux prophètes de la Première Alliance, dans quelles conditions se ferait la Seconde. Quand Il se sépare en deux éléments d’Amour pour consoler les hommes, Dieu connaissait toutes les réactions de Sa mission terrestre, parce qu’elles existaient déjà pour Lui – non pas d’une manière potentielle ni subjective, mais objective, accomplie, puisque, ce que vous appelez hier, aujourd’hui, demain, devant Dieu n’est pas.        
     J’espère que tu comprendras, chère Maman, et que ton âme inquiète sera rassurée. Si Dieu connaît l’avenir dans l’éternité, c’est que l’avenir et le passé  sont pour Lui le présent. Il me semble que ce n’est pas une conception irrecevable pour votre intelligence déjà avertie.


                                                                                                                                                    Ton Pierre

 

 

                                                                                                                                                    22 mai 1927

              Chère Maman,

     Et maintenant, Maman que je suis chargée d’associer à l’œuvre missionnaire de notre Jésus (Sauveur), Maman qui n’as jamais douté de la présence vivante et fidèle de ton enfant, Maman qui m’aime et que j’aime, mieux que nous ne savions le faire avant que mon âme – bénie dans l’indicible  souffrance de la chair – soit parvenue, palpitante et avide d’amour, à la délicatesse radieuse de cet état spirituel que vous appelez le Ciel…(« Là où je suis, a dit le Christ , qu’ils soient avec moi… »). Non, Maman, ta participation n’est pas finie ! Je vous confie, ô mes plus aimés, de « crier sur les toits, ce que je vous ai dit à l’oreille ». « Christ-Jésus a paru dans le monde pour sauver le monde ».
                                                                                                                                                    PIerre

 

 

                                                                                                                                                    26 juillet 1927

  

     Ah ! non, je ne veux pas essayer de vous dépeindre les béatitudes du Ciel, puisque vous êtes ouvriers avec Dieu sur la terre, où Jésus-Homme vous enseigna les béatitudes terrestres.
     « Heureux les simples et les débonnaires ! Heureux les miséricordieux et les cœurs purs ! Heureux les pacifiques et ceux qui ont faim de justice ! Heureux enfin ceux-là… que j’ai voulu citer comme le couronnement de la joie pour l’Esprit !
   Heureux ceux qui pleurent, parce qu’ils seront consolés   ! Amen.
                                                                                                Pierre… Pierre… Pierre…

     « Celui qui vaincra sera vêtu de vêtements blancs… Je confesserai son nom devant Dieu et devant ses anges… Que celui qui a des oreilles, entende ce que l’Esprit dit à l’Eglise ».


                                                                                                                                                    Ton Pierre